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par les achats de la régie restent sous la surveillance des agens.

Les bureaux de vente sont tenus par des préposés, qui reçoivent un traitement fixe sans aucune allocation proportionnelle à leur chiffre d’affaires ; ils ne livrent l’eau-de-vie que dans des bouteilles bouchées, cachetées au sceau de l’État et revêtues d’une étiquette indiquant la capacité, le titrage et le prix : le plus petit de ces récipiens contient f » centilitres et le plus grand 3 litres. Les restaurans de campagne ne peuvent vendre à leurs cliens que des bouteilles bouchées et au prix marqué. Seuls les buffets de chemins de fer et restaurans des villes peuvent débiter au verre. D’après le Contrôle de l’empire, le monopole aurait amené une augmentation de recettes dans les provinces où il fonctionne. Il sera intéressant de voir quels résultats il donnera d’ici à quelques années, lorsqu’il aura été étendu à l’empire tout entier, si jamais il doit l’être.

Ce monopole russe est né d’une idée paternelle. L’autocrate de l’immense empire a cherché, dans cette institution, le moyen de préserver une partie de ses sujets des excès de boisson auxquels la rigueur du climat ne les porte que trop aisément. Il a rejeté au second plan les considérations fiscales. D’autre part, il avait à sa disposition les moyens énergiques qu’une hiérarchie puissante de fonctionnaires peut mettre en mouvement. Et même avec tout cet arsenal, il n’est pas encore prouvé que le résultat désiré doive être atteint. Quant aux augmentations de recettes que le nouveau régime pourra procurer au budget, il ne faut pas oublier, si elles se produisent, qu’elles sont dues au fait que le gouvernement a exproprié sans indemnité préalable tout le commerce des boissons et a créé au contraire une situation privilégiée en faveur des distilleries existantes. Quels que doivent être les effets du monopole en Russie, cet immense pays diffère du nôtre à tant de points de vue, qu’aucune conclusion ne saurait être tirée de ce qui se serait produit là-bas pour nous décider à nous organiser sur le même modèle. L’eau-de-vie russe est d’ailleurs un produit toujours identique à lui-même, de l’alcool étendu d’eau. Cette matière se prête mieux à l’exercice d’un monopole que l’infinie variété de spiritueux fabriqués en France.

Le pays dont il convient de parler aussitôt après la Russie est la Suisse[1], non par amour de l’antithèse, et pour opposer à la

  1. Voir le rapport de M. Delamotte, inspecteur des finances (annexe un procès-verbal de la séance de la Chambre des députés du 19 janvier 1897).