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fourni par la législation du canton de Genève[1]. Dans ce canton, le président des assises assiste avec voix consultative à la délibération du jury sur la culpabilité. Quand cette délibération est achevée, le président fait mander deux jurés assesseurs non magistrats « qui forment le trait d’union entre le président et le jury », et ces trois juges de concert avec le jury se prononcent sur l’application de la peine.

Ce mécanisme est ingénieux, mais bien compliqué. C’est une halte, qui sera courte sans doute, sur le grand chemin qui conduit à l’échevinage.

En France, on n’a rien tenté dans la pratique, mais de nombreux théoriciens tendent, avec plus ou moins de précision, à organiser un concours plus franc et plus complet des deux magistratures.

« J’aimerais un effort plus grand, dit M. Henri Joly, pour arriver à l’entente des magistrats et des jurés[2]. » M. Snyers précise davantage ; il voudrait qu’on adjoignît au jury un magistral, ou un avocat, qui le présiderait avec voix consultative, et serait ce qu’on appelle aujourd’hui le chef du jury. On éviterait ainsi « les réponses contradictoires, ainsi que l’appel du président dans la chambre du conseil[3]. »

Un magistrat, M. Eyssautier, va plus loin encore et conclut nettement à l’échevinage : « La réforme, dit-il, est dans le jury dirigé par le président des assises, délibérant avec lui et sur la culpabilité et sur la peine, faisant respecter la loi dans la délibération et dans le vote[4]. »

Ce système sans doute a de grands avantages, et nous dirons plus loin que nous souhaitons en voir faire l’essai en France dans un certain ordre d’affaires. Mais la France, comme l’Allemagne, est encore attachée à la forme présente du jury criminel, et une modification aussi profonde de ses élémens essentiels en paraîtrait presque la suppression. On est habitué à la disposition actuelle de nos audiences, aux juges du fait siégeant séparément et à

  1. Voyez la loi du 1er octobre 1890, applicable à partir du 1er janvier 1891. Cette loi a été commentée par M. Pascaud dans son article sur la nouvelle Organisation du jury criminel à Genève. Gazette des Tribunaux du 1er avril 1891.
  2. Le Combat contre le crime, par Henri Joly, p. 59.
  3. Snyers. Voir le Jury en matière criminelle.
  4. Voyez les œuvres d’Eyssautier sur la réforme judiciaire et notamment son article dans le journal la Loi du 14 novembre 1895. — Certains auteurs voudraient que le jury statuât seul sur la culpabilité et sur la peine. Voir le Jury-juge. A propos des erreurs judiciaires, par. 1. Berland.