que dans tous les genres il est resté ce qu’il était déjà au début de sa carrière, un rêveur épris seulement d’émotion et de beauté, l’amant de Léonore d’Esté et le confident de Pétrarque.
L’œuvre qu’il nous donne pour une autobiographie est surtout un poème, elle aussi. En vain il s’est efforcé d’y être exact et précis, infatigable à vouloir se montrer à nous tel qu’il s’apparaissait à lui-même. La même aventure lui est arrivée pour ses propres sentimens que pour ceux des héros de ses livres précédens, d’Éline Vere ou du jeune empereur des îles Lipari : à peine a-t-il tenté de les saisir, qu’ils se sont transfigurés, prenant sous ses yeux une teinte lyrique. La forme même dont il les a revêtus est celle d’un poème plus que d’un récit, imagée et chantante, avec des retours de mots, des alternances de longues périodes et de phrases rapides, un rythme toujours expressif et savamment varié. Et c’est par là, en vérité, que ses compatriotes peuvent le mieux se rassurer sur la suite prochaine de ses « métamorphoses ». — « Mon art, nous dit-il au dernier chapitre du livre, s’est d’abord présenté devant moi comme un enfant, candide avec de grands yeux pleins de lumière ; puis j’ai vu en lui une jeune fille élégante et mélancolique, puis il a pris la forme d’une femme que j’ai aimée. Plus tard, quand j’ai écrit Anarchisme, il s’est montré à moi plus vieux, plus grave, imprégné d’une beauté plus sereine : c’est aujourd’hui une de ces figures étranges où se plaît la fantaisie des peintres symbolistes. Demain, peut-être, il aura changé d’aspect, une fois de plus… » Mais, quel que soit l’aspect sous lequel son art se montrera demain à M. Couperus, quelle que soit la « métamorphose » qui succédera à celle qu’il a, cette fois, essayé de décrire, on pourra être certain désormais qu’à travers tous les genres, quelque chose en lui ne variera point : son naïf et profond instinct de la beauté poétique.
T. DE WYZEWA.