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jury est celui des jurés dont le nom sort le premier de l’urne, et ce mode de nomination donne bien souvent lieu à d’étranges spectacles. Le chef élu par ses collègues aura du moins quelque autorité pour diriger le débat. Si, au cours de ce débat, et avant le vote, nos jurés sentaient le besoin de demander une explication supplémentaire, s’ils souhaitaient poser une question au président, ils rentreraient pour cela soit dans la salle d’audience, soit dans la chambre du conseil ; là, en présence du ministère public, de l’accusé et du défenseur, ils poseraient librement leur question, à laquelle il serait librement répondu. Rentrés de nouveau dans leur salle, ils procéderaient au vote, et il serait bon à notre avis de revenir à l’usage du vote public, qui a été longtemps pratiqué autrefois sans inconvénient d’aucune sorte[1].

Nous croyons qu’avec ces modifications nombreuses la juridiction de la Cour d’assises sera sérieusement améliorée, aiguillée dans la bonne voie.


III

Avons-nous donc terminé notre tâche ? Pas encore. Il nous reste à envisager le problème que nous avons dû poser au début même de ces études. Sur quelles infractions va statuer la cour d’assises réformée ?

Nous savons[2] que, loin de statuer sur tous les faits qualifiés « crimes », le jury est dépossédé d’un grand nombre d’affaires de sa compétence par le procédé que nous avons décrit : la correctionnalisation « extra-légale ». Nous avons pu affirmer que, tandis qu’on discute le jury, cette institution est en train de disparaître, et nous avons, montré qu’en 1891, les Cours d’assises de France ont eu à juger 2 932 affaires, tandis que, cette même année, les tribunaux correctionnels ont statué sur 194 673 infractions !

Quelles sont donc les mesures à prendre pour que la Cour d’assises réformée ne soit pas dépouillée peu à peu du reste de ses attributions, et possède au contraire d’une façon fixe et régulière, en vertu de règles de compétence bien établies, la

  1. Le vote secret, à notre avis, favorise les défaillances. Voir la Revue du 1er janvier 1896, p. 153. Néanmoins, nous reconnaissons que cette question est délicate.
  2. Voyez la Revue du 1er novembre 1895.