sion pour les empêcher d’aller s’allumer eux-mêmes à l’incendie un peu factice de la Grèce, et de le propager au loin. Ils ont compris à demi-mot que le moment n’était pas venu de provoquer la grande liquidation des affaires d’Orient, et peut-être n’ont-ils pas été fâchés, dans le secret de leurs consciences, de laisser l’imprudente et malheureuse Grèce courir seule une aventure dont le résultat ne pouvait qu’affaiblir l’idée qu’elle représente. Voilà comment la Grèce a été amenée pas à pas, et finalement condamnée à faire une guerre qu’elle n’avait pas sérieusement voulue, et comment elle s’y est trouvée isolée. Triste situation que la sienne, à coup sûr ! Ne pouvant plus reculer, elle a dû marcher en avant ; mais son gouvernement savait, dès le premier jour, qu’elle serait bientôt obligée de reculer. Rien, en effet, n’avait été préparé de longue main ; l’armée manquait de tout, même de munitions ; il était impossible de soutenir la lutte pendant plus de quelques semaines. Les Grecs ont fait tout ce qu’ils pouvaient faire, c’est-à-dire bonne contenance, jusqu’au moment où ils ont dû se replier sur Pharsale, et ensuite sur Domokos. Ils se sont empressés alors de demander l’intervention de l’Europe, et ils ont remis leur sort entre les mains bienveillantes des grandes puissances. C’est évidemment le meilleur parti qu’ils avaient à prendre, et ils auraient encore mieux fait de le prendre plus tôt.
Voilà ce qu’on aperçoit clairement, aujourd’hui que les événemens sont mieux connus, et qu’on peut dès lors les juger avec plus de sécurité. L’Europe, incontestablement, a commis des fautes, sans qu’il soit possible de les attribuer d’une manière plus spéciale à telle puissance ou à telle autre. La nécessité qu’elles s’étaient toutes imposée de ne rien faire isolément, et de marcher d’accord toujours et quand même, ne leur permettait pas de marcher vite et interdisait à chacune d’elles toute initiative hors du rang. Il en est résulté que de bonnes occasions ont été manquées, et, d’une manière générale, que les résolutions, toujours prises lentement, n’ont été exécutées que lorsqu’il était déjà trop tard pour qu’elles fussent pleinement efficaces. C’est ainsi qu’on a laissé le colonel Vassos débarquer en Crète. C’est ainsi qu’on a discuté indéfiniment pour savoir si on ferait le blocus de Volo. A un moment l’Angleterre a voulu le blocus, et à un autre elle ne l’a plus voulu. Pendant ce temps, les Grecs ont opéré leur concentration, le blocus est devenu sans objet, et la guerre s’est trouvée inévitable. Tout cela est malheureux, sans aucun doute : mais les inconvéniens du concert européen à établir ou à maintenir ont été peu de chose, en comparaison de ceux auxquels on se serait exposé si on l’avait imprudem-