Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 142.djvu/241

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

magne. On voit dans ce trait la différence des races, et, si l’on veut, des génies nationaux.


Les dépêches d’Orient sont devenues rares depuis quelques jours. On affirme que c’est bon signe, et que le proverbe Pas de nouvelles, bonnes nouvelles, — trouve ici son application. Ce que l’on sait des dispositions de la Porte permet, en effet, de croire que les négociations entamées entre les puissances ne sont pas éloignées d’aboutir à un bon résultat. Il y aura fallu du temps, beaucoup de temps, mais cela même était prévu, et la diplomatie ottomane, qui n’avait aucune raison de se presser, s’est naturellement laissée aller à son penchant naturel, qui est de marcher le plus lentement possible. La temporisation était certainement plus onéreuse à la Grèce qu’à la Porte, et elle aurait été aussi plus inquiétante si la Grèce, avec une philosophie digne des temps antiques, n’avait pas pris le parti de ne plus s’émouvoir de rien. Des correspondances récemment venues d’Athènes ont présenté la ville sous un jour assez différent de celui qu’on avait imaginé. On avait cru qu’un sentiment de deuil pesait sur elle, et que le mouvement ordinaire de la vie en était en quelque sorte paralysé. Il n’en est rien, heureusement, et pour l’étranger qui y arrive, Athènes ne ressemble pas du tout à la capitale d’un pays qui vient d’être battu et cruellement éprouvé. Après le premier moment de stupeur, chacun s’est retrouvé et ressaisi vite. La ville a repris son aspect ordinaire. Les dangers de révolution que l’on avait cru apercevoir tout d’abord se sont dissipés, et le départ des volontaires étrangers, qu’on a renvoyés chez eux avec tous les remerciemens qui leur étaient dus, fait espérer qu’ils ne renaîtront pas. En un mot, la Grèce s’est résignée à sa défaite ; il le fallait bien ; et elle ne se préoccupe plus que d’en atténuer les conséquences. Pour cela, elle compte sur l’Europe, bonne mère qui n’a pas perdu de sa confiance autant qu’on aurait pu le croire. Ce n’est pas que l’Europe ne lui ait causé aucune déception dans le passé. La plus grande de toutes a été de l’avoir laissée se battre. La Grèce espérait bien que, comme on l’avait déjà fait en 1886, on lui interdirait impérieusement de tirer l’épée, et il ne lui aurait peut-être pas déplu de se voir mettre cette « camisole de force » que lord Salisbury, dans son respect très délicat du droit individuel, n’a pas osé employer. Il y a eu là, pour la Grèce, une première déconvenue. La seconde a tenu à ce que l’action de l’Europe s’est trouvée beaucoup plus efficace sur les petits États balkaniques que sur elle. On n’a pas eu besoin de soumettre la Bulgarie, la Serbie, le Monténégro, à une grande pres-