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rive gauche, et en Italie par la réunion de Venise à la Cisalpine.

L’opération était compliquée, et le traité même de Campo-Formio l’embrouillait singulièrement. Ce traité stipulait, dans ses articles secrets, que la France renonçait à la partie nord de la rive gauche du Rhin, où se trouvaient les États prussiens. La Prusse, par suite, n’aurait droit à aucune compensation. L’Autriche tenait fort à cette clause qui satisfaisait sa jalousie ; mais elle avait eu soin d’ajouter que, si les Français étendaient leurs acquisitions à toute la rive gauche, elle aurait droit à des indemnités équivalentes. Le Directoire se trouverait forcé, s’il acquérait toute la rive gauche, de payer la Prusse et de payer par surcroît l’Autriche. Il ne pouvait donc corriger le traité de Campo-Formio qu’au prix de nouvelles complaisances pour la cour de Vienne. Où prendrait-il les « satisfactions » de cette cour ? A aucun prix en Italie, d’où il prétendait la chasser. Il les donnerait en Allemagne, trouvant habile de compromettre l’Autriche dans la grande curée de l’Empire. Mais, en comblant l’Autriche d’évêchés et d’abbayes, s’il l’induisait en péché, il cessait de l’affaiblir. Il en conclut que le plus avantageux serait de profiter de la paix avec l’empereur pour forcer l’Empire à céder toute la rive gauche du Rhin ; puis, cette cession obtenue, de remanier le traité de Campo-Formio, de conserver Venise, d’expulser l’Autriche de l’Italie et de ne lui donner rien en Allemagne : elle devrait se contenter de l’Istrie et de la Dalmatie.

On y parviendrait peut-être par une diplomatie savante et subtile. La Prusse ignorait les articles secrets de Campo-Formio : le Directoire la menacerait de s’entendre avec l’Autriche à ses dépens ; la Prusse céderait aussitôt, et, par contre-coup, l’entente qui s’établirait entre la République et la Prusse amènerait l’Autriche à composition. Elle y serait forcée par la coalition des États secondaires. Le Directoire spéculait sur la jalousie et l’avidité de ces cours. Il s’assurerait leur docilité grâce à une combinaison à laquelle il tenait presque aussi passionnément qu’à l’acquisition de la limite du Rhin. C’était la sécularisation, ou, pour parler plus crûment, l’expropriation des princes ecclésiastiques au profit des princes laïques. Cette opération permettrait de dédommager les princes laïques dépossédés sur la rive gauche et de récompenser la bonne volonté des autres. Il s’ensuivrait une refonte du corps germanique à laquelle la politique républicaine attache, depuis 1792, la plus haute importance : la concentration