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les Légations et l’Italie, il s’éloigna de plus en plus de toute idée d’arrangement définitif avec eux. Il considérait la guerre comme nécessaire. Il préparait les alliances, les généraux acheminaient les troupes. Mais comme il faudrait des semaines, peut-être des mois, avant de reprendre les opérations ; que les Français continuaient de pousser, en Italie et en Allemagne, leurs conquêtes et leurs révolutions, Thugut jugeait opportun de s’y nantir. S’il pouvait tandis que l’eau était trouble encore, occuper les Légations, se les faire attribuer, sous forme de provision par la France, s’assurer, en Allemagne, la Bavière jusqu’à l’Inn, ces précautions lui permettraient d’attendre des temps plus heureux : le retour de l’ordre monarchique et la restauration du droit public, qui auraient sans doute pour premier effet de garantir à l’Autriche les possessions qu’elle se serait acquises, de complicité avec la Révolution.

Donc, dans le même temps, Thugut manda aux ministres de l’empereur de marchander, à Rastadt, le démembrement de l’Empire et du Saint-Siège, d’accord avec les Français ; et au chargé d’affaires à Pétersbourg de négocier, avec le tsar Paul, la délivrance de l’Empire et l’expulsion des Français de l’Italie. « Il n’y a plus un seul instant à perdre, écrivait-il ; sans un accord sincère entre les différentes puissances pour la conservation de leurs gouvernemens respectifs, toute l’Europe périt, et la Russie seule peut moyenner et consolider un semblable accord… L’on regarde une révolution en Espagne comme très prochaine et immanquable ; le roi de Sardaigne sera obligé de descendre de son trône au premier ordre d’un général français ; la cour de Naples se croit elle-même très près de sa ruine complète… A mesure que la masse énorme de la démocratie augmente, les moyens de résistance qui peuvent rester aux gouvernemens monarchiques diminuent de jour en jour… » Cette lettre est du 5 avril. Quelques jours après, Thugut était rassuré. Le tsar s’est ému ; il va proposer une alliance à l’Autriche et à la Prusse, avec accession de l’Angleterre. « Les affaires de Suisse et de Rome paraissent avoir enfin donné un peu d’éveil à Paul Ier », écrit Thugut au vice-chancelier Colloredo. « En attendant que tout se développe mieux, je prie Votre Excellence de supplier Sa Majesté à genoux d’observer le plus profond secret sur l’état des choses et sur nos nouvelles espérances… »

Désormais, l’Autriche n’a plus rien à faire au Congrès qu’à