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Palmyre. Mais ici, il faut faire la part des dates et de l’exécution. Ces modifications apportées aux formes primitives sont contemporaines de l’hellénisme et viennent de lui. Les Latins, avec leurs théories fermées, en ont souvent usé, vis-à-vis des Grecs, avec un pédantisme un peu dur. Ils n’admettaient guère la liberté que ceux-ci se réservaient toujours, et la variété qu’ils aimaient à introduire dans leurs ouvrages. Et quand ils adoptaient ce qu’ils regardaient comme téméraire, c’était tardivement et par la force des choses. Mais lorsque plus de trois cents ans avant notre ère, des architectes comme Dinocrate, comme Cléomène de Naucratis et les autres maîtres qui conçurent et bâtirent Alexandrie et plus tard Antioche et les villes syriennes, se mirent à l’œuvre, ils déployèrent un art vivant et original et firent fleurir une nouvelle architecture. Celle-ci répondait à des nécessités matérielles et aussi à des besoins d’esprit. De là tant d’édifices sans précédens. C’étaient bien là des créations de toutes pièces et non de ces inventions dans lesquelles, par pauvreté d’imagination, on s’efforce d’assembler des élémens qui s’excluent. Ces hommes travaillaient de génie. Leurs productions très ornées étaient en harmonie avec la riche culture intellectuelle qui se développait alors dans les pays hellénisés. Et si c’était une décadence, elle avait sa raison et émanait toutefois d’une civilisation éclatante. Au fond, l’architecture n’était pas indigne des lettres, de la philosophie et des sciences qui brillaient dans les écoles d’Alexandrie. Mais deux ou trois cents ans après, lorsque ses formes devenues banales furent portées en pays latin, ou se virent reproduites, à une époque assez basse, par des artistes dépourvus de sentiment et qui n’avaient qu’une technique imparfaite, la décadence devint manifeste. Seulement la faute en était en partie au temps et à l’ouvrier.

On aurait tort, à mon sens, de trop rapprocher la construction de Palmyre de l’époque où la ville a été ruinée. Elle datait des siècles précédens : c’était une œuvre grecque. Malgré les particularités que nous avons relevées, la proportion des ordonnances est très pure, les ornemens, parfois de goût oriental, sont traités dans un style excellent. Les feuillages ont le caractère aigu, offrent les plans tranchés du corinthien épineux dont on voit des exemples à Athènes et à Rome. Ce n’est pas la mollesse de l’acanthe romaine que l’on trouve au temple de Balbek, rebâti par Antonin. Si j’en juge par quelques fragmens, le travail est entièrement fait de ciseau ; la statuaire semble avoir été traitée de