Vieillie, divisée, sceptique ou surmenée, l’Europe est-elle capable de résister à ce péril de la concurrence que nous avons exposé l’an dernier ?[1] Les nouveaux mondes commencent à peine à entrer en valeur et ils ne se bornent pas à fermer leurs portes à un grand nombre de nos produits, ils se mettent en mouvement pour nous apporter les leurs déjà surabondans ; chaque jour ils font un pas de plus vers nous et le cercle menaçant dont ils nous investissent devient de plus en plus étroit ; chaque jour diminuent les distances qui les séparaient de nous. Nos inventions ont rompu leurs digues ; des réservoirs débordant d’énergie humaine qui dormait ont à présent trouvé leur pente de notre côté. Comment nous défendre contre ce déluge ?
Tel est le problème des temps nouveaux.
S’il ne fallait à l’Europe que du courage, elle n’en manque pas. Ses défaillances n’ont jamais été que momentanées et son histoire n’est qu’une longue suite de résistances héroïques et d’admirables relèvemens ! Comment désespérer d’elle quand on a vu grandir, jusqu’à quel point, l’Allemagne après l’écrasement d’Iéna, quand on a vu la France survivre aux guerres de Louis XIV et de Louis XV, à Waterloo et à Sedan ? Et n’est-il pas permis de sourire à la pensée qu’après avoir tant de fois, vainqueurs ou
- ↑ Le Péril prochain, 1er avril 1896.