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entreprendre qui ne soit aussitôt imité, dépassé ; si le progrès nous tient à la merci de surprises continuelles, dans l’incertitude démoralisante du lendemain ? Sommes-nous frappés d’une condamnation sans appel et n’avons-nous plus qu’à baisser la tête en retardant de notre mieux l’inexorable nivellement qui réduira les efforts du plus grand nombre d’entre nous à leur minimum de valeur ? Ne nous reste-t-il qu’à désespérer de nous-mêmes ?

Non, cette conclusion n’est pas la mienne ; je ne me suis pas complu misérablement à étaler le mal, j’ai voulu éveiller l’inquiétude, secouer notre indifférence, faire appel aux réserves morales et matérielles de notre énergie toujours vivante. Nous sommes arrivés à un des plus redoutables et des plus brusques tournans de notre histoire. L’heure est venue de jeter un cri d’alarme, mais d’arrêter aussi des résolutions. Dans une autre étude, j’énumérerai les ressources dont il ne tient qu’à nous de tirer parti ; je ne perdrai pas de vue non plus cette chance de salut qui est grande, à présent qu’il faut tout compter : les difficultés des autres, les difficultés de nos rivaux et leurs faiblesses. Nos richesses seraient supérieures aux leurs si elles étaient mieux exploitées ; je montrerai qu’elles dépérissent par notre faute, de même qu’elles pourraient triompher si nous voulions ! Si nous voulions, avec une éducation qui développe, au lieu de les étouffer, nos qualités nationales, qui ouvre à notre jeunesse, ardente et oisive des ambitions rénovatrices. Si nous voulions, avec un enseignement qui nous prépare à nos difficultés nouvelles ; avec des colonies moins servilement assimilées à la métropole et moins onéreuses ; des moyens de transport assouplis, auxiliaires et non plus rivaux de nos fleuves ; avec une réforme trop longtemps ajournée de notre administration anachronique ; avec des accords internationaux jugés chimériques, bien qu’ils soient aussi indispensables que nos conventions sanitaires et qui finiront par s’imposer, de même que l’atténuation des charges militaires de l’Europe ; avec une diplomatie non moins occupée de nos relations commerciales que des problèmes de la politique ou du protocole ; avec des lois d’assistance humaines et prudentes ; avec des changemens dans nos mœurs correspondant aux changemens du monde ; avec du bon sens enfin, et de la volonté, de la bonne volonté surtout !…

Dans la longue liste des remèdes que je passerai en revue, qu’on ne s’attende pas toutefois à trouver une panacée, un grand remède. Trop longtemps nous nous sommes payés de