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excédée du panamisme. Au surplus, elle ne croit pas qu’une commission parlementaire soit le meilleur et le plus sûr instrument pour découvrir la vérité. Si la justice ordinaire se trompe quelquefois, la justice politique se trompe bien plus souvent encore, et c’est même un abus des mots que de lui donner le nom de justice. L’esprit de parti, les hostilités personnelles, les passions, les rancunes, les ambitions s’y donnent librement carrière, et c’est ce qui d’avance frappe de discrédit l’œuvre d’une commission composée de députés, dès qu’elle sort de son rôle et qu’elle exagère son mandat. Or la commission nouvelle a essayé plusieurs fois déjà de sortir de son rôle, et elle a de tout de suite étendu et dénaturé son mandat en décidant qu’elle s’emparerait, sous prétexte de les étudier et de projeter sur elles une vive lumière, d’autres affaires encore que de celle de Panama. La Chambre ne lui a donné aucun droit de ce genre ; n’importe, elle se l’attribue. Elle a compris sa tâche d’une manière si large et si vaste qu’il lui sera impossible de la remplir et de l’achever en temps opportun. Dix mois à peine nous séparent des élections générales : il en a déjà fallu davantage à M. le juge d’instruction, et il n’a pas encore réussi à se faire une opinion définitive, après en avoir traversé plusieurs. La commission sera-t-elle plus clairvoyante et plus rapide, ou seulement plus entreprenante et plus hardie ? Elle s’est assigné une besogne infiniment plus considérable que celle dont M. Le Poittevin n’est pas encore venu à bout. Ce que nous en avons dit montre que nous avons peu de confiance en elle ; mais son effort, dans sa stérilité, aura peut-être l’avantage qu’on n’aura plus la fâcheuse idée de le recommencer. Si la commission Vallé échoue, évidemment c’est fini. Si elle ne réussit pas à ranimer, non pas même les passions dès maintenant éteintes, mais l’intérêt qui languit, mais l’attention qui se détourne, personne ne le tentera plus. On se résignera enfin à laisser le pays tranquille avec cette affaire de Panama, qui lui a déjà coûté si cher et qui ne peut lui rien rapporter. La commission ressemble à ces gens d’affaires qui cherchent dans les vieilles causes jugées ou classées quelque détail encore inaperçu, ignoré, caché, peut-être méprisé, et qui partent de là pour pousser les plaideurs à faire de nouveaux frais. On réussit une fois, deux fois, dans ce genre d’exercice ; mais comme le public ne change pas, sa patience finit par s’épuiser. Si nous n’en sommes pas encore là, nous n’en sommes pas bien loin.

Depuis plusieurs semaines, une crise ministérielle, ou plutôt gouvernementale sévit en Allemagne. Elle a produit quelques changemens de personnes, et on affirme qu’elle en produira encore, car on ne la juge pas terminée. Mais l’empereur Guillaume ne se presse