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M. le baron Marschall était au gouvernement un élève et presque un legs de M. de Caprivi, et que cette origine pesait sur lui. Il a donné, dans des circonstances délicates, bonne opinion de son caractère, et il a mérité l’estime et la confiance de l’Europe par quelques-unes des qualités qui avaient, en effet, distingué l’ancien chancelier ; mais rien ne permet de dire que ce soit pour des motifs de cet ordre qu’il a été remercié. La vérité est qu’il a été la victime du procès Tausch, ce procès dont nous avons raconté les péripéties premières et dont nous n’avons pas donné la conclusion : d’autres préoccupations étaient alors venues à la traverse. On n’a pas oublié la charge à fond que M. le baron Marschall a faite contre la police politique, et contre son représentant, le commissaire de Tausch. Il se sentait depuis longtemps enveloppé d’une nuée d’intrigues, à travers laquelle il avait fini par distinguer nettement la main de Tausch. Qu’y avait-il derrière Tausch lui-même ? On ne le saura jamais très bien. Il y avait, en tout cas, une institution que le gouvernement allemand regarde comme indispensable à sa sécurité, dont il connaît, mais dont il excuse les faiblesses, voire les plus coupables, jetant soigneusement un manteau sur elles afin de les cacher. M. Marschall avait audacieusement déchiré ce voile. On avait alors aperçu très distinctement les turpitudes de Tausch et de toute sa bande ; mais, en condamnant ces honteuses pratiques, on se demandait si M. Marschall avait été bien inspiré en les exposant au grand jour. Contre toutes les attaques secrètes dont il se sentait entouré, menacé et trop souvent atteint, soit dans sa personne, soit dans celle de ses subordonnés, il avait voulu, suivant sa propre expression, se réfugier dans la publicité. Il a été autrefois magistrat ; il a parlé peut-être ce jour-là en magistrat plus qu’en diplomate, en honnête homme assurément, mais en honnête homme qui ne modère pas et ne gouverne pas son indignation. Il en est résulté l’arrestation de Tausch, l’ouverture d’une instruction nouvelle, finalement un nouveau procès qui a été aussi émouvant que le premier. Nous n’en rappellerons pas les curieux incidens : il suffit de dire que la police politique en est sortie flétrie, mais que Tausch a été acquitté. Dès le premier moment, au ton même des interrogatoires et d’après la physionomie de l’audience, il était clair que ce résultat avait été préparé, machiné d’avance, et qu’il serait atteint à tout prix. Dans ce duel accepté, provoqué même par lui avec un policier de basse moralité, M. Marschall était vaincu. Il était sacrifié, non pas à Tausch, mais à la police d’État. Avant même que la sentence fût rendue, il demandait et obtenait un congé pour raison de santé. Son rétablissement devait être