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supprimés. Il y a réussi effectivement, et sans grande peine : la Chambre des seigneurs s’est contentée de dire que la loi nouvelle ne s’appliquerait qu’aux associations et aux réunions socialistes. Encore une équivoque. Ainsi, la situation actuelle est la suivante : conflit entre les deux Chambres du Landtag de Prusse, conflit entre le gouvernement et la Reichstag. On ne saurait en imaginer une plus compliquée. L’empereur a jugé sans doute que son gouvernement, tel qu’il est aujourd’hui constitué, était trop faible pour soutenir une lutte aussi difficile. Il obéit de plus en plus à la pression des agrariens, auxquels il vient d’accorder la suppression de la Bourse libre des blés, et à celle des grands industriels si bien représentés auprès de lui par le baron de Stumm. Sous cette influence combinée, il s’engage dans des voies nouvelles, et il a jugé, non sans raison peut-être, que pour y marcher d’un pas ferme il avait besoin de s’entourer d’un personnel nouveau. C’est de là qu’est sortie la crise.

L’homme dont le nom a été d’abord dans toutes les bouches est M. de Miquel, ministre des finances de Prusse : il est trop connu pour que nous ayons besoin de faire son portrait. C’est ce que Napoléon appelait un jacobin converti : il aimait ce genre d’auxiliaires, sachant qu’on pouvait beaucoup leur demander et beaucoup en obtenir. Personne d’ailleurs ne peut contester la haute capacité de M. de Miquel. Depuis quelque temps déjà on savait que l’empereur avait les yeux sur lui et on lui prédisait les plus hautes destinées : on a cru un moment que ces prédictions étaient sur le point de se réaliser, et peut-être leur réalisation est-elle seulement différée. Il n’était question de rien moins que de nommer M. de Miquel vice-chancelier, et de le charger particulièrement des affaires intérieures de l’Empire. Peut-être, comme nous l’avons dit, le prince de Hohenlohe ne s’est-il pas prêté à cette combinaison qui le diminuait trop ; peut-être s’est-il refusé à servir de couverture à M. de Miquel, jusqu’au moment où celui-ci, après s’être emparé de la réalité du pouvoir, en assumerait aussi toute l’apparence extérieure ; peut-être d’autres idées sont-elles venues à l’esprit de l’empereur : quoi qu’il en soit, la coupe qui s’approchait des lèvres de M. de Miquel s’en est subitement éloignée. On reste convaincu que le prince de Hohenlohe ne conservera pas bien longtemps ses hautes fonctions, mais on n’ose plus prévoir quel sera son successeur. Le principal changement dans le ministère a consisté dans le départ de M. de Bœtticher, ministre de l’intérieur de l’empire allemand et vice-président du ministère d’Etat prussien. C’était, comme on le voit par ses doubles fonctions, un personnage très important que M. de Bœtticher. Il avait