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élève étourdi, espiègle, travaillant à ses heures, par saccades, avec des dons très rares qui perçaient derrière son insouciance, déjà le plus aimé de tous les élèves, rachetant des mois de paresse par des traits d’esprit et des élans de cœur qui attendrissaient ses maîtres. L’homme fait a tenu les promesses de l’enfant : il a beaucoup donné au travail et aussi au plaisir, il a été l’esclave de sa foi, le serviteur d’une vive et mobile imagination curieusement aimantée vers tous les semblans de bonheur.

Parmi ses condisciples il compta Jérôme Bonaparte, frère de Napoléon, futur roi de Westphalie, dont le séjour valut à l’Oratoire la visite du premier consul. Il arriva un jour, escorté de ses frères Joseph et Louis, de ses sœurs Elisa, Caroline et Pauline : 250 élèves, sous la conduite des Pères de l’Oratoire, vinrent au-devant de lui. « Général, dit le Père Lombois, les maîtres qui ont formé Desaix, Casabianca et Muiron ont l’honneur de vous présenter leurs élèves. — Ils sont en bonnes mains », dit Bonaparte. Berryer rappelait ce mot devant la Chambre des députés, trente ans après, lorsqu’il défendit la cause des congrégations. En 1847, l’ancien roi de Westphalie invoquait l’appui de son camarade de Juilly pour obtenir la fin de son exil ; Berryer lui prêta son concours chaleureux. Un peu plus tard, la fortune a changé, Louis-Napoléon est devenu président de la république, et les chefs de la majorité vont le voir à l’Elysée. Berryer y rencontre Jérôme Bonaparte, entouré de courtisans qui le traitent de Sire et de Majesté. « Bonjour, Berryer, fait-il d’un ton protecteur. — Bonjour, général », répond simplement le royaliste, et il continue son chemin, laissant le prince et ses amis stupéfaits.

En 1806, Berryer quitte Juilly pour suivre pendant deux ans les cours du lycée Bonaparte. Voulant détruire les légendes qui exaltaient ses dons naturels aux dépens de son savoir, il fit, vers la fin de sa vie, dresser et certifier l’état de ses succès scolaires : en 1807, il obtient le troisième accessit de discours latin, le deuxième accessit de discours français, de version grecque, de vers latins, de poésie française, le deuxième prix de version latine ; en 1808 il remporte le premier prix de chimie et de physique. Il est assidu aux conférences de l’abbé Frayssinous à Saint-Sulpice (la chaire alors était la seule tribune), se persuade un instant que Dieu l’appelle à la vie religieuse, comme ses amis