Il se disait cela très haut, s’agitant avec de grands effets de bras comme un acteur, tandis que, sourdement, en lui, une autre voix insinuait : « Seulement… je n’y pourrai peut-être pas grand’chose… s’il est très malade ! » Aussitôt il se reprenait, se gourmandant, jurant qu’il allait faire l’impossible. Et Valadier marchait plus vite, comme s’il eût voulu laisser derrière lui certaines vilaines pensées dont il avait honte.
« Ah çà, se dit-il, pour qu’elle se soit adressée à moi, la femme Palfrène, il faut que Gauwin, qui n’est qu’à deux lieues d’ici, se soit trouvé empêché… Mais, bien sûr, on est allé le chercher d’abord… Hum ! Si je le demandais à la bonne.
Mais déjà on était devant la maison. La servante poussa la grille, écarta le chien qui venait rôder autour du docteur, et courut en avant prévenir Madame.
— Je vous remercie de ces renseignemens, Madame, ils vont m’être utiles, mais je dois vous dire que la gravité d’une pneumonie ne dépend pas, comme vous semblez le croire, de ce que le malade aura eu plus ou moins froid, — mais de son âge, de sa constitution, de son état général. C’est ainsi qu’un homme de trente ans, sain et solide, se tirera, à coup sûr, d’une fluxion de poitrine, l’eût-il contractée en tombant dans une mare, tandis que, pour tuer un homme très gros ou un vieillard malingre, il suffit parfois d’un petit changement de température.
— Mon mari s’était beaucoup surmené ces derniers temps.
— Assurément c’est une fâcheuse disposition. Quel âge a-t-il au juste ?
— Soixante-six ans.
— Est-il sobre ? On m’a dit que, à sa ferme, il avait pris l’habitude, — cela se comprenait, du reste, étant donné qu’il dépensait beaucoup physiquement, — de se nourrir jusqu’à… l’excès, même de boire volontiers pas mal de petits verres. Assurément sa vigueur lui permettait…
— Du tout, répliqua-t-elle avec âpreté, ce sont les gens qui lui en veulent qui disent cela, ça n’est pas vrai !
— Pardonnez-moi… croyez bien que ce que j’en dis en ce moment, c’est pour savoir… pour m’éclairer…
Cette conversation avait lieu sur les marches de l’escalier.