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REVUE DRAMATIQUE.

licate et plus capricieuse, et d’une intelligence qui a paru, jusqu’ici, moins créatrice que la nôtre ? Cela les affranchira-t-il des maladies et des servitudes de leur sexe ? Et cela rendra-t-il les hommes plus propres à « filer la laine » et à nourrir et élever les petits enfans ? On ne voit pas bien comment l’égalité des droits entre elles et nous entraînerait la similitude des fonctions et aptitudes naturelles et, par suite, des devoirs sociaux.

J’en veux un peu à l’auteur de la Vassale de m’avoir induit, par l’obscurité de son dessein, à la proclamation trop facile de ces honnêtes truismes. Son erreur, ce n’est pas d’avoir mis sur les planches une détraquée, c’est d’avoir (pourquoi, mon Dieu ?) visiblement pris parti pour cette folle qui sacrifie à des aspirations si vagues des devoirs si précis ; c’est de s’être évertué à voir un problème social là où il n’y a qu’un drame d’alcôve et une comédie d’incompatibilité d’humeurs, exclusivement personnels à M. et à Mme Deschamps ; c’est enfin d’avoir eu l’air de vouloir démontrer quelque chose de considérable là où il n’y avait rien du tout à démontrer, ou sans que nous parvenions à savoir quoi. Sa pièce, trop en dissertations, mais d’un style assez fort, curieuse en son incertitude inquiète, et qui contient quelques bonnes scènes, aurait pu être excellente, s’il l’avait simplement conçue comme un drame passionnel relevé de comédie satirique : mais il l’a voulue « féministe » et ibsénienne ; et de là tout l’embrouillamini.

La Vassale est bien jouée par Mmes Brandès, — de nervosité dure, comme il convenait, — Pierson et du Minil, et par MM. Worms, Duflos, Baillet et Truffier.


Jules Lemaître.