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d’Erfurth, le congrès de Marseille, le congrès de Breslau, d’autres encore que M. Deschanel connaît merveilleusement et qu’il invoque à propos. Le programme d’Erfurth avait été, paraît-il, intransigeant ; le congrès de Marseille a été, au contraire, très transigeant, et c’est là que les socialistes français, à la veille des élections dernières, ont arrêté leur programme d’action. Ils étaient parvenus à séduire Liebknecht qui, revenu en Allemagne, a exposé leurs idées au congrès de Breslau, mais sans aucun succès comme on peut le croire. « Si l’on adopte le programme agraire défendu par Liebknecht, s’écria le docteur Kautsky, directeur de la Neue Zeit et l’un des principaux disciples de Marx, il faut abroger le programme d’Erfurth, qui dit que la petite propriété est vouée à la ruine, tandis que le programme agraire promet aux paysans, non seulement la conservation de leurs biens, mais encore la consolidation et l’extension de leur patrimoine par des mesures législatives et administratives empruntées à l’arsenal du socialisme d’État… Quelles classes devons-nous protéger à la campagne ? Les journaliers, les domestiques, non le petit paysan qui est le plus ferme appui de la propriété. Nous ne les gagnerons pas, ces petits propriétaires ; nous ne les sauverons pas de la ruine. Nous devons leur dire : « Votre situation est désespérée. » Ne craignons pas de proclamer des vérités désagréables au risque de nous aliéner des sympathies. » Tel n’est pas, on l’a vu, l’avis de M. Jaurès. Il dit bien aux petits propriétaires que leur situation, telle qu’elle se comporte actuellement, est désespérée ; il les représente comme dévorés peu à peu par la grande propriété, et il a soutenu qu’ils étaient destinés à disparaître prochainement si les choses continuaient à marcher comme elles marchent ; mais il a ajouté qu’il les sauverait de leur ruine ; il s’en est fait fort, il n’a demandé que dix ans pour cela. Le docteur Schippel avait répondu par avance, au congrès de Breslau : « On ne peut cependant pas favoriser les mesures réactionnaires pour gagner les paysans !… Les compagnons éprouvés du parti ne se laisseront pas entraîner par un pareil manque de loyauté. Je n’aurais jamais cru possibles de pareilles propositions au sein de notre parti. Évidemment, nous voulons gagner les paysans, mais nous voulons les gagner, non comme propriétaires, mais comme dépossédés. Nous devons leur dire : « L’avenir vous dépossédera, vous ne serez plus propriétaires ! « J’avais le droit d’avertir nos jeunes compagnons de ne pas se laisser entraîner à ce charlatanisme. Les gens dont les affaires vont mal sont fort enclins à s’adresser aux faiseurs de miracles ; mais tâchons de ne pas laisser prendre le dessus, dans notre parti, à de déloyaux charlatans. » Et le docteur Schip-