Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 142.djvu/731

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
725
LES LUTTES ENTRE L’ÉGLISE ET L’ÉTAT.

Ils commencèrent par défendre contre les collectes et impositions de Rome les biens ecclésiastiques et la bourse de leurs peuples : c’était ne disputer à l’Église que de l’argent ou de la terre. Puis ils cessèrent d’obéir quand le Souverain Pontife, gardien de la nouvelle paix romaine, les pressait de renoncer à leurs guerres injustes et de restituer leurs conquêtes illégitimes : c’était ne soustraire au jugement de l’Église que les ambitions nationales. Puis, devenus les arbitres uniques de leurs rapports avec les autres nations, ils prétendirent à plus forte raison ne rendre compte à personne de leurs rapports avec leurs propres peuples : c’était répudier pour eux-mêmes le magistère moral qu’ils maintenaient à l’Église sur leurs sujets. Puis, par peur qu’à certaines résistances répondît l’acte suprême de la déposition, ils nièrent à la Papauté tout droit sur les couronnes : c’était prétendre à l’inviolabilité du pouvoir même tyrannique, et contredire l’enseignement formel du catholicisme. Par suite, ils durent proclamer que la doctrine de l’Église serait non avenue quand elle limiterait leurs « libertés » : c’était détruire la conception même de l’État chrétien. Henry VIII, gêné dans la « liberté » de ses adultères par la loi de l’Église, n’accepta pas la sentence pontificale, et parce qu’un roi voulait changer de femme, l’Angleterre changea de religion. Nombre de princes germaniques aspiraient à la « liberté » de prendre les biens ecclésiastiques, il leur suffit de ne pas reconnaître le jugement de Rome sur la doctrine de Luther pour s’assurer ces domaines et séparer du catholicisme la plus grande partie de l’Allemagne.

Ce fut en France le point d’honneur qui faillit compromettre la foi religieuse. L’une des libertés gallicanes était la « régale », c’est-à-dire l’habitude prise par nos souverains de s’approprier les revenus des bénéfices vacans. Les papes avaient reconnu ce droit à Charles VII, à François Ier, et c’est dans les limites du royaume possédé par ce dernier prince que ses successeurs percevaient la régale. Louis XIV l’étendit aux provinces nouvelles : deux évêques se tenant pour lésés protestèrent, et le pape leur donna raison. De là sortit la Déclaration de 1682 : l’orgueil se mesure à la disproportion entre les griefs dont il souffre et les représailles qu’il prépare. Au lieu de passer outre, comme avaient fait tant de fois ses prédécesseurs, et, laissant au pape la protestation, de garder les revenus, Louis XIV se sentit atteint dans sa prérogative, et il lui fallut contester celle du pape. Pour établir