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catholicisme ; ni que, par le choix des évêques, par la censure exercée sur les actes pontificaux et l’enseignement théologique des séminaires, il donne une direction religieuse aux consciences ; ni que, par l’interdiction au clergé de tenir ses assemblées et ses conciles, aux ordres religieux d’exister, aux fidèles de doter les œuvres de foi et de charité, il réduise arbitrairement la force de l’Église.

Malgré ces griefs contraires, et peut-être à cause d’eux, le Concordat a duré. Les situations illogiques ne sont pas les moins solides, quand elles forment un compromis entre les intérêts opposés : on s’y tient, par peur de perdre ce qu’on possède, à poursuivre ce qu’on désire. Les gouvernemens trouvaient dans ce régime les moyens efficaces de garder l’Église, aimée ou non, sous leur main : tous ont donc maintenu le pacte. L’Église ne l’a pas dénoncé : si elle ne peut plus d’un vol puissant soulever le poids mort du siècle et porter les peuples entiers aux altitudes d’où jadis elle leur montrait la terre, elle a du moins licence d’accomplir son ministère de piété auprès des âmes fidèles. Elle se sent devenue, selon le souhait de Frédéric II, « le hibou dans le clocher », son aile a été coupée sur le seuil du temple, elle ne se hasarde plus que dans le cercle formé autour d’elle par l’ombre mouvante de l’édifice, mais elle trouve chaque jour un peu de grain répandu sur le parvis, et chaque soir l’abri solide et clos contre la dent des carnassiers. Les adversaires de l’Église ont vu que, si cela était la vie, cela était aussi la faiblesse, et, tout compté, préfèrent un traité conservateur des lois persécutrices qui dorment, mais peuvent être réveillées, à une séparation qui donnerait à l’Église des garanties de droit commun. Les partisans de cette séparation ont su gré au Concordat de n’avoir pas du moins rétabli un culte dominant, et, puisque le Concordat laisse le pouvoir maître de régler le sort du catholicisme, ils demandent que la politique du « laissez faire, laissez passer » favorise la circulation des idées comme celle de la richesse, et voudraient accroître dans le gouvernement l’indifférence doctrinale que l’Église condamne, et dans les mœurs la liberté religieuse que l’impiété redoute.

Le régime dure par l’équilibre des mécontentemens qu’il soulève et des aspirations qu’il encourage. Et cet équilibre n’a pas cessé d’être instable, car toutes ces passions contraires, durant la halte imposée, cherchent du regard leur route future, et même