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LES LUTTES ENTRE L’ÉGLISE ET L’ÉTAT.

pas choisis et pour des desseins qu’ils ignoraient. Ce chef-d’œuvre de combinaison artificieuse avait été conçu pour recruter une armée aux ennemis de l’ordre social, malgré leur petit nombre et l’impopularité de leurs desseins, mettre ceux qui voulaient fronder au service de ceux qui voulaient détruire, la légèreté au service de la haine. Les multiples degrés d’initiation mesuraient à chacun la dose de confidences qu’il pouvait supporter. Et, dans la double obscurité qui dérobait les desseins derniers au regard de la foule et même à celui des adeptes, se garda, non plus le secret du roi, mais le secret de la révolution.

Celle-ci, trop habile pour attaquer à la fois toutes les puissances qu’elle détestait, les souder par ses coups et se briser contre leur bloc, ordonna avec méthode son plan de ruine et agit d’abord où elle avait le moins de risques à courir et le plus de résultats à espérer. Elle voyait que, pour venir à bout de l’autorité, de la patrie, de la famille, de la propriété, il lui faudrait combattre même les adeptes prêts à agir contre l’Église, que dans le vieil édifice le ciment de toutes les pierres était l’Église, qu’il fallait, sans toucher d’abord aux pierres, désagréger le ciment, et que, lui tombé, elles tomberaient peu à peu d’elles-mêmes. La discipline de la franc-maçonnerie reçut le mot d’ordre et s’employa à le transformer en opinion publique.

D’un côté, un peuple épris d’indépendance et disposé à n’en trouver jamais les affirmations trop absolues ; de l’autre, une Église scrupuleuse dans ses définitions et impuissante à céder rien de ses droits, qu’elle tient pour ceux de la vérité ; entre eux une secte intéressée à perpétuer la rupture : voilà les camps et les armées. Eveiller par l’excès des hommages à la raison humaine les scrupules dogmatiques de l’Église ; exciter contre ces scrupules les jalousies de l’orgueil laïque ; dissimuler les solidarités profondes de la société civile et de l’Église sous cette discorde artificieusement entretenue et grandie, ne jamais atteindre le fond des questions où l’idolâtrie libérale risquerait d’apparaître niaise ou malhonnête, et maintenir la lutte à la surface des formules, de façon que la société civile criât toujours : « Liberté ! » et l’Église toujours : « Anathème ! » ; réduire à ces deux mots les rapports intellectuels de ces deux puissances : telle a été dès lors contre le catholicisme l-a méthode unique et perpétuelle de controverse. On a fait honte et crime à l’Église d’idées qui ne sont pas les idées de l’Église. On n’a pas discuté, on n’a pas réfuté son ensei-