une théocratie universelle. Il fallait pour cela, d’après lui, créer une chancellerie divine et, naturellement, il s’y réservait le poste principal. Ses appointemens devaient être de 20 000 francs, et ce chiffre était toujours écrit vin mille francs « parce que la France, éprouvée par le phylloxéra, ne produira plus de vin jusqu’au moment où les ordres de Dieu auront été exécutés[1]. » Il ne faut pas voir dans ces faits singuliers de curieuses exceptions. L’importance de l’association des idées par les ressemblances de son a été bien constatée chez les aliénés, et elle est, comme on pouvait s’y attendre, plus considérable chez eux que chez les sains d’esprit.
L’explication de la tendance à l’association des mots par l’assonance nous en montrera mieux encore la généralité. Cette association est un cas particulier de l’association par ressemblance où l’on a voulu voir, à tort selon moi, une des lois primordiales de l’esprit. Elle n’est en réalité qu’une forme inférieure, subordonnée et dérivée, de l’activité mentale, et nous en trouvons la raison d’être dans une loi plus universelle et plus profonde : la loi d’association systématique[2] d’après laquelle tout élément psychique, idée ou fragment d’idée, image, sensation, désir ou sentiment, tend à susciter les autres élémens, les autres faits psychologiques qui peuvent le compléter, s’unir à lui pour une fin commune, et former avec lui un ensemble organisé. C’est là, à mon avis, la grande loi de la vie de l’esprit, celle dont toutes les autres ne sont que des corollaires ou des formes particulières. Mais elle se manifeste par des faits très variés et d’apparence bien différente. Dans les momens où l’activité psychologique atteint son degré le plus élevé, — chez le mathématicien qui résout un problème, chez le compositeur de génie qui invente une symphonie — elle régit l’esprit dans son ensemble. D’innombrables élémens sont unis par elle et collaborent à un même travail. Tout désir, toute idée qui romprait l’harmonie sont à peu près ou complètement enrayés, détruits, empêchés même de naître. Mais si l’attention s’affaiblit ou que l’esprit se relâche, ou bien si la tendance capable de grouper et de diriger nos désirs et nos idées n’est pas encore suffisamment développée, nous voyons chaque élément,