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peut amuser comme un chapeau de femme sur une tête d’homme. Ces divertissemens n’ont rien de très supérieur ; le jeu de mots ici tire toute sa valeur de sa nature même. J’aime autant n’en pas citer d’exemple. Comme tous les dons naturels, celui de remarquer ou de trouver des assonances est très inégalement réparti. Des personnes bien douées cultivent leurs dispositions et font de la virtuosité. Cette sorte d’acrobatie intellectuelle donne parfois la célébrité, et le marquis de Bièvre ne serait plus rien aujourd’hui s’il ne restait le plus fameux des faiseurs de jeux de mots. Au reste je crois que chacun pourrait laisser largement développer en lui, sans trop de peine, la tendance souvent latente, mais toujours vivace, à rapprocher les mots dont les sons se ressemblent.

Le rébus se fonde sur le même fait psychique que le calembour. Il est un calembour continué et très compliqué dans lequel, un des sens étant figuré, il faut retrouver l’autre par l’intermédiaire du mot qui désigne la figure. Le son de ce mot rattache les deux sens. Souvent, par exemple, sera représenté par l’image d’un sou précédant celle d’un van ou la figure d’Eole. La charade, le métagramme, le logogriphe même, à un degré bien moindre, reposent sur l’association des sens différens rattachés à des sons semblables. D’autres jeux se rattachent au calembour : ce sont ceux qui se fondent sur l’assonance et l’allitération, calembours imparfaits et partiels, dans lesquels la ressemblance de son peut se borner à l’identité d’une lettre. Le petit enfant s’amuse à répéter la même syllabe, et les premiers mots qu’il emploie sont composés selon ce procédé. Il subsiste à un âge plus avancé quelque chose de cette tendance et de ce plaisir. Aussi des pédagogues ingénieux ont-ils imaginé d’enseigner gaîment l’orthographe par des dictées où les mots assonances se multiplient, et qui font rire ceux qu’elles n’exaspèrent pas. Dans certains jeux l’assonance intervient, soit qu’on la recherche, soit qu’on prescrive d’éviter certaines lettres, ce qui exerce le pouvoir de les reconnaître. On essaye encore l’acrobatie en s’efforçant de répéter des phrases difficiles à force d’allitérations, et les générations se les passent de l’une à l’autre. Enfin c’est un plaisir apprécié que de relever, de répéter, et d’embellir les allitérations involontaires des auteurs célèbres. Ces amusemens sont assez inoffensifs, mais la place qu’ils occupent dans la vie des enfans, des désœuvrés, ou des personnes que la vocation emporte, vient confirmer ce qui a déjà été dit précédemment sur