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quatre vers dont les deux derniers reproduisent le son des deux premiers ; — si d’ailleurs ces amusemens parfois piquans et toujours laborieux peuvent avoir quelque chose de poétique. L’acrobatie dans la recherche des assonances s’est encore montrée, dans ce domaine, par l’invention de toute une série de rimes aussi compliquées que peu utiles : la rime annexée, la rime couronnée, quelques autres encore.

Mais quelques déviations singulières ne doivent pas nous détourner de l’extrême importance qu’a prise ici l’association par assonance. Comme elle a contribué à nous donner l’alphabet, elle a contribué à nous donner la poésie. Ce sont deux services de premier ordre : elle a aidé à former les mots, et nous a fourni un moyen de les employer, si précieux qu’il nous manquerait sans elle une des plus belles créations de l’esprit humain ! Sans doute, il n’est pas très aisé de déterminer avec précision ce qui revient à la rime dans le charme et dans la puissance de la poésie. Il n’est cependant pas douteux que, outre le plaisir qu’elle nous procure par elle-même, elle ne relève singulièrement pour nous tous les autres mérites des vers, en nous permettant d’en saisir le rythme sans peine, en ouvrant l’esprit à toutes les subtilités du mètre comme à toutes les formes gracieuses, fortes ou profondes du sentiment.

Ce n’est pas dans les vers seulement que l’association des sons par ressemblance a servi à réunir les mots, ainsi qu’à suggérer des idées ou des images. Mais, le plus souvent, en prose, le procédé reste beaucoup plus individuel, moins soumis à des règles générales précises. L’assonance reste simplement une manière d’appeler l’attention, de frapper l’esprit du lecteur, de lui enfoncer plus profondément une idée en tête. Certains auteurs expriment volontiers une idée, ou dépeignent une personne avec des mots assonances, comme le « rusé, rasé, blasé », de Beaumarchais. Hugo a beaucoup aimé ces rapprochemens, ce qui ne surprend pas chez ce prodigieux inventeur de rythmes et de rimes. Il en fait volontiers des titres de chapitre : « Buvard, bavard », « Onde et ombre » ou des aphorismes sentencieux. D’autre part, le calembour est la raison d’être de certains genres littéraires ; ici le même procédé reparaît ; moins généralisé que dans la versification, il varie plus et plus vite, la mode l’influence davantage, il n’engage guère qu’une génération, et dans cette génération quelques-uns seulement de ses représentans. Cependant sous des formes très diverses