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les formes des mots et des phrases, comme les idées, les croyances et tous les phénomènes complexes, en les faisant réapparaître toujours semblables à eux-mêmes ; mais je voulais surtout montrer l’influence de l’assonance sur la vie de notre intelligence et le changement, l’évolution de ses produits.

Ce qui frappe dans tous ces phénomènes, c’est l’infirmité, c’est en même temps la puissance qu’ils supposent à l’esprit humain. L’association par assonance, et d’une manière générale l’association par ressemblance et l’association par contiguïté sont des procédés inférieurs et périlleux qui tendent à disparaître devant une coordination plus avancée de nos idées et de nos sentimens. Elles agissent beaucoup encore et causent d’innombrables erreurs et des fautes blâmables, dont le caractère général est d’être fondées sur une insuffisance d’abstraction. L’esprit reste impuissant à décomposer avec rapidité ses propres élémens ; dans une perception qui lui arrive du dehors, dans une idée qui lui est suggérée, dans un sentiment qu’il éprouve, dans un ensemble de croyances, il ne peut faire assez vite le triage indispensable à la régularité des opérations. Il avale des morceaux entiers qu’il reste impuissant à digérer, gardant les élémens parasites avec les élémens essentiels. C’est que ces élémens parasites et ces élémens essentiels sont étroitement amalgamés entre eux ; les uns ne sont parasites, les autres essentiels que par rapport à l’ensemble de l’esprit ; mais dans la petite société qu’ils forment entre eux, ils ont tous leur emploi utile. Et chaque système psychique ainsi formé cherche à vivre par lui-même, à maintenir cette logique interne qui lui permet de subsister, et, par suite, à n’abandonner aucun de ses élémens. S’annexer, par le sacrifice de ceux-ci, à des systèmes plus élevés et représentant la vie générale de l’esprit, est une opération qui ne va pas sans trouble et sans résistance, et tout à fait analogue à l’abandon, sans esprit de retour, de la vie de famille pour la vie sociale. Il y a trop, dans la vie des élémens de notre âme, d’esprit individualiste, et, si je le puis dire, d’esprit de clocher. A coup sûr cette disposition varie beaucoup d’une âme à l’autre, il en est dont la souplesse est plus grande, qui dissocient avec bien moins de peine les élémens de leurs émotions et de leurs idées pour les arranger mieux, qui ne pensent pas et n’aiment pas par « bloc » ; mais ceux-là mêmes, et les plus avancés parmi ceux-là, restent encore, bien que dans une moindre mesure, impuissans à coordonner parfaitement tous