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effet serait de mettre Athènes sous le canon ottoman. C’est le danger militaire : le danger moral est encore plus pressant. Il consiste dans l’établissement d’un contrôle financier très étroit, qui mettrait les principales ressources de la Grèce à la discrétion de ses créanciers ou des gouvernemens qui les représentent. La Grèce n’a qu’un moyen d’y échapper, sinon d’une manière absolue au moins dans des proportions appréciables, c’est de payer dans le plus bref délai possible la plus grande partie possible de l’indemnité de guerre. Est-elle vraiment dans l’impossibilité radicale de le faire ? N’a-t-elle aucune ressource disponible ? N’est-elle pas en situation de s’en procurer rapidement si elle le désire, ou, pour mieux dire, si elle le veut ? C’est à elle de répondre. Quelques-uns de ses amis soutiennent qu’elle n’est pas financièrement aussi bas qu’on le croit, et qu’elle pourrait modifier profondément la situation en faisant des offres réelles et immédiates. S’il en est ainsi, son abstention et son silence sont inexplicables. On a dit de M. Ralli, le chef du cabinet actuel, qu’il était un second Gambetta : nous le félicitons de ne l’avoir pas cru. Mais nous le féliciterions encore plus s’il se rappelait qu’une gloire immortelle s’est attachée partout aux ministres qui ont hâté la libération du territoire, en éloignant de lui le poids de fer qui l’écrasait.

Quant à l’Europe, on ne saurait ni admirer, ni approuver la méthode qu’elle apporte dans le règlement des questions complexes qui lui sont soumises. Au lieu de les aborder, de les résoudre toutes à la fois et les unes par les autres, elle passe de la première à la seconde, de la seconde à la troisième, et ainsi de suite, jusqu’à épuisement complet. C’est ce qui cause aux spectateurs profanes tant de déceptions : lorsque tout semble fini, tout est à recommencer. Cela est particulièrement sensible en Crète. L’Europe, qui s’était déjà exposée à quelque ridicule dans les affaires de Crète, continue de faire tout ce qu’il faut pour ne pas y échapper. Il y a une disproportion regrettable entre les grands mots dont elle s’est servie pour dire qu’elle prenait la Crète en charge, qu’elle répondait de ses destinées, qu’elle l’enlevait désormais à l’action directe de la Porte, et les dispositions qu’elle a mises en œuvre pour rendre ce langage effectif. Elle n’a jamais rien fait à propos, et ce qu’elle a fait elle l’a toujours fait trop tard. Nous ne rappellerons pas l’expédition du colonel Vassos ; c’est de l’histoire ancienne. Cette faute, une fois commise, a été longue à réparer. Du moins, lorsque les troupes grecques sont parties, aurait-il fallu immédiatement, sans perdre un instant, s’occuper de l’organisation politique et administrative de l’île.