Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 143.djvu/244

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il ne semble pas que l’Allemagne ait soutenu sa prétention d’une manière intransigeante. La suite des négociations, telle qu’elle résulte des dépêches venues de Constantinople depuis quelques jours, semble indiquer qu’on a cherché et qu’on a cru trouver un moyen transactionnel propre à satisfaire tout le monde. Évidemment, l’évacuation ne pouvait pas s’opérer en une seule fois. L’idée d’y procéder par étapes successives était d’ailleurs trop naturelle, et de plus trop conforme aux précédens, pour ne pas se présenter aux esprits. C’est dans ce sens qu’on a négocié. La Turquie, au fur et à mesure des versemens qui lui seraient faits sur l’indemnité de guerre, se montrait prête à évacuer, avec Domokos, la région qu’elle occupe à proximité d’Athènes, puis la grande plaine comprise entre les montagnes et la Salembria ou ancien Pénée, enfin les villes principales au nord de cette dernière zone, y compris Volo à son extrémité orientale. L’occupation de Volo jusqu’à l’évacuation complète se justifiait par le fait que les troupes ottomanes devaient s’y embarquer pour être rapatriées. Une évacuation ainsi échelonnée, avec les délais qu’elle comporte, permettait de traiter et de résoudre en temps opportun la question soulevée par l’Allemagne ; mais rien n’empêchait d’évacuer, dès un premier et prochain versement d’une fraction de l’indemnité, une partie plus ou moins considérable du territoire thessalien. On en était là et une entente paraissait sur le point de se produire lorsque l’Angleterre, sortant de la réserve qu’elle avait observée depuis quelques jours, a déclaré que cette solution était inacceptable pour elle et y en a substitué une autre.

Elle a pris très exactement le contre-pied de l’Allemagne. Son opposition est si nette, si tranchée, qu’on peut se demander si elle ne s’est pas proposé de faire échec à l’Allemagne, encore plus que de servir avec dévouement les intérêts de la Grèce. Les commentaires de quelques-uns de ses journaux donnent une certaine vraisemblance à cette hypothèse sur laquelle nous n’insistons pas. Quoi qu’il en soit, l’Angleterre a fait observer que soumettre l’évacuation de la Thessalie au paiement, même partiel, de l’indemnité de guerre était la rendre impossible, ou s’exposer à l’ajourner indéfiniment. D’après elle, l’évacuation intégrale doit avoir lieu tout de suite, sans étapes, sans conditions ; on verra plus tard comment la Grèce pourra se libérer à l’égard de la Turquie, ou donner des garanties effectives à ses créanciers. C’est un exemple de plus de ce que l’Angleterre entend par traiter les questions successivement, alors qu’elles sont toutes si étroitement connexes qu’il est beaucoup plus facile de les résoudre toutes à la fois, et les unes par les autres, que de s’y appliquer séparément. Chaque