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lui-même avec eux une alliance de huit années, promit douze vaisseaux de ligne, au besoin une armée de 80 000 hommes. L’Angleterre adhéra à ce traité, promit à la Turquie l’appui de ses forces maritimes, et les Turcs s’engagèrent à mettre en mouvement 100 000 hommes contre les Français[1]. Mais, pour compléter cette coalition il restait à gagner la Prusse et à entraîner l’Autriche. La Prusse déclara formellement sa volonté de rester neutre. A Vienne, la négociation rencontrait deux obstacles qui l’arrêtèrent longtemps : du côté de l’Angleterre, la question des subsides ; du côté de la Russie, la question des conquêtes. Eden négociait à Vienne avec rigidité. Si les Anglais sont bons payeurs, ils sont âpres créanciers. Eden exigeait, avant d’avancer une livre, que l’Autriche s’engageât à pousser à fond la guerre et employât à combattre les Français tout l’argent qui lui serait versé.

Thugul parlementait, entêté de son plan, qui était d’attendre les Russes, d’entrer en campagne au printemps, d’observer la défensive en Allemagne avec l’archiduc et 90 000 hommes, de porter tout l’effort des alliés en Italie, d’y écraser les Français sous le nombre, de les faire exterminer par les insurrections ; puis, si les Russes consentaient à donner 60 000 hommes, d’envahir la France par le midi, très hostile au Directoire, toujours en combustion, et de marcher sur Paris, pendant que, pour protéger la marche, on nouerait avec les Suisses qui ne manqueraient pas de se soulever. Par provision, au milieu d’octobre, Thugut fit occuper les Grisons.

Naples, par son impatience, déconcerta ce projet. Thugut se récria, récrimina ; l’empereur, encore que fort épris de sa femme et par suite fort soumis à sa tante et belle-mère, Marie-Caroline, déclara qu’il défendrait Naples si les Français l’attaquaient ; mais que, si Naples prenait l’offensive, il ne pourrait pas exposer son empire, et que ce serait aux Napolitains à porter les conséquences de leur coup de tête. Les Anglais, méfians, fermèrent alors les cordons de la bourse, et la négociation se trouva de nouveau suspendue.

A Pétersbourg, Paul, naturellement soupçonneux, se crut joué. Les lettres de Cobenzl sont remplies de ses réclamations. Il a acheminé ses troupes vers la Galicie : il se plaint qu’on les y héberge mal. Il reçoit de ses agens secrets des avis qui

  1. Traités des 3 et 5 janvier 1799. Sybel, trad., t. V, p. 314. — Zinkeisen, Geschichte des Osmanischen Reiches, t. VII, p. 44-50.