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fatuité si grossière, il jouait si maladroitement de la menace avec le roi et de la propagande avec le peuple, que le Directoire fut forcé de le rappeler. Il le remplaça par Aymar, plus judicieux, plus mesuré. Mais le cœur du roi est aux alliés, aux Russes, aux Autrichiens qu’il appelle ; le peuple, en grande majorité, les attend comme des libérateurs, et le petit parti de la révolution tourne à la république italienne, à l’unité nationale et conspire la réunion à la Cisalpine. La France n’a qu’un moyen de conserver ce passage indispensable à la domination de l’Italie, l’annexer.

Quant aux Cisalpins, le Directoire est avec eux à bout de coups d’État et de constitutions, de généraux et de commissaires. En désespoir de cause, il leur envoie Fouché : ce terroriste passe pour s’être enrichi, il n’en spécule que davantage. Il aime le pouvoir pour les émotions qu’il y trouve, la mécanique subtile, le jeu d’astuce où se jouent la vie, la fortune, l’honneur, la liberté des hommes. Il ruse, il intrigue entre les généraux, les commissaires, les Italiens, brouillon et boute-feu tout à la fois : il devient si dangereux, qu’en décembre on le rappelle. Reste le général Brune, qui fait, au naturel, le jacobin et lie partie avec les unitaires. « Insigne factieux ! » écrit le commissaire Faypoult. « Quelle pitié, quel scandale ! » s’écrie un autre commissaire, Trouvé, dérouté par le républicanisme des Italiens et cette révolution antifrançaise qu’il voit germer en Italie. « Ils se diront bientôt sans-culottes… et c’est nous qui sommes des aristocrates, des ennemis de la république et de la liberté ! » Les paysans s’insurgent. Les impôts, quand on les paie, rentrent en papier, qui vaut juste son poids. Tout se résume par cette déclaration du commissaire des guerres, Haller, fiscal mais clairvoyant : « Si la guerre recommence, disait-il à la fin de novembre, on envahira Naples, mais on ne pourra pas s’y maintenir ; le premier revers qu’on essuiera sera le signal d’un soulèvement général contre les Français et l’époque de leur expulsion de toute l’Italie… »

De même à Rome : Macdonald, la tête haute, le nez au vent, arrogant et goguenard, y pratique la révolution directoriale, parisienne, mais antiromaine. Daunou écrit, le 29 octobre : « On a chassé des hommes honnêtes, républicains par principes, prononcés contre le papisme avant sa chute ; on les a remplacés par des agitateurs et par des fripons… tout est en combustion… » « Dites à ceux qui veulent voir Rome qu’ils se hâtent », écrit Paul-Louis Courier, quelques semaines après, « car chaque jour