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Il travailla jour et nuit avec ses conseillers. « En général, écrivait-il au Directoire, le 28 janvier, tout ce qui possède quelque chose est pour nous. La république napolitaine, bien administrée, peut devenir une alliée sincère de la république française ; mais il faut la mettre à l’abri des vexations horribles qu’on fait éprouver aux républiques voisines, avec les grands mots de liberté et de fraternité. C’est le but que je veux atteindre en donnant une grande autorité au gouvernement provisoire, qui néanmoins se trouve sous mon autorité… Je vous le déclare, citoyens Directeurs, tant que je commanderai l’armée et que je serai investi de votre confiance, je la justifierai ; j’opposerai une digue terrible aux efforts des intrigans, des voleurs, des fripons qui sont toujours à la suite des armées pour en dévorer la substance et celle des peuples à qui nous portons la liberté, qu’il faut abhorrer et détester mille fois plus que tous les manifestes des rois. »

Ce fut son programme ; s’il n’eut pas le temps de l’accomplir, il en disposa toutes les parties avec une hâte un peu fiévreuse, mais avec une justesse de coup d’œil, une suite, une bonne volonté surtout et un sentiment des droits des peuples que jamais général conquérant ne déploya à ce degré. Et, en même temps, la police fut rétablie, le respect des propriétés assuré, une trésorerie nationale mise en activité ; les arsenaux furent approvisionnés ; des décrets organisèrent l’instruction publique, la fondation d’un institut national, la reprise des fouilles de Pompéi, avant tout la transformation des lois civiles et des lois d’impôt. Tout fut entrepris à la fois, tout reçut sa pierre d’attente. Le pays, divisé en départemens, eut une constitution analogue à celle de l’an III : elle devait être soumise à la sanction du peuple.

On avait crié sur les places, aux fenêtres, en jetant des fleurs : « Vive saint Janvier ! Vive Championnet ! » comme on avait crié : « Vive Nelson ! » comme on salua plus tard Joseph Bonaparte, Murat, puis les Bourbons revenus de l’exil. C’étaient les mêmes Napolitains que Saint-Simon voyait, de son temps, » seigneurs et autres, toujours empressés à changer de maîtres. » Pour les libéraux élevés au pouvoir, la république était une sorte d’opéra triomphal, le rêve humanitaire d’une nuit claire et douce, au pied du Vésuve apaisé. Grands parleurs, beaux parleurs, charmés de leur langue sonore, imaginatifs et raisonneurs, poussant l’utopie à travers les syllogismes, et prenant les métaphores pour des phénomènes, ils raffinaient sur les principes. Platon leur