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toujours sous les armes, et les guerres nombreuses allumées entre les diverses nations n’étaient interrompues que par l’épuisement des belligérans ou par les rigueurs de l’hiver qui rendaient impossibles leurs opérations. On conçoit qu’avec les mœurs d’alors et les convoitises ambitieuses surexcitées par une telle situation, chacun cherchât à duper ses voisins et même ses alliés, sans aucun respect pour la foi jurée. La rupture avec le roi d’Angleterre et la reprise des hostilités avec les Hollandais mettaient la cour d’Espagne dans une position fort critique. De son côté, la Gouvernante des Flandres désirait vivement un rapprochement avec l’Angleterre. Charles Ier semblait aussi, pour sa part, disposé à un raccommodement, et Buckingham qui, grâce à l’ascendant qu’il avait pris sur le roi, dirigeait de plus en plus sa politique, s’employait de son mieux à assurer ce résultat. C’est dans ces conditions que Gerbier, qui jouissait de toute la confiance du favori, avait été chargé par lui de s’aboucher avec Rubens, dont il connaissait le crédit auprès d’Isabelle. Peintres tous deux, intelligens et avisés, ces diplomates improvisés n’ignoraient pas qu’ils n’avaient ni l’un ni l’autre qualité pour engager ceux qui les employaient, et que, servant d’intermédiaires purement officieux, ils étaient toujours exposés à se voir désavouer si leur action semblait compromettante ou inopportune. Mais comme leurs intérêts étaient pareils, ils s’étaient bien vite entendus et après leur séparation ils avaient continué à correspondre entre eux.

Une fois entré dans le jeu, Rubens tenait à y faire avec honneur sa partie, car il n’était pas de ceux qui se résignent au rôle de comparses. Outre le désir bien naturel dont il était animé de pousser ses propres affaires, il se sentait d’ailleurs une ambition plus noble, celle d’attacher son nom à des négociations qui, après tant de sang versé et de sacrifices de toute sorte, pourraient amener la conclusion d’une paix honorable entre deux grandes monarchies. On sait, en effet, combien il aimait la paix. Ainsi qu’il le disait à Gerbier, « la guerre est un châtiment du ciel et nous devons, de tous nos efforts, nous appliquer à écarter ce fléau. » A diverses reprises il revient dans ses lettres sur cette idée, avec le désir « de voir ce beau chef-d’œuvre de la paix » et de retrouver les jours heureux « de l’âge d’or, si toute cette affaire peut prendre la fin qu’il faut souhaiter pour le bien de la chrétienté. »

En présence des complications incessantes qui venaient à