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Larissa n’est pas encore pris, — je respire ! car j’avais peur d’arriver trop tard, — et qu’Osman le Victorieux, l’Osman de Plevna, vient d’arriver à Salonique avec le titre d’inspecteur général des opérations militaires. Cela peut tout dire, ou ne rien dire, mais en général on regarde cette nouvelle comme annonçant la disgrâce d’Edhem-Pacha, auquel on reproche sa lenteur. Osman a déjà commandé un train spécial qui le dirigera sur Karaferia, d’où il ira prendre le commandement de l’armée de Thessalie. Ce n’est pas tout : chacun s’attend au bombardement de la ville par la flotte grecque, et au débarquement de cinq ou six régimens du roi Georges qui couperont le chemin de fer de Salonique à Constantinople, et apporteront les plus funestes retards à la mobilisation. Le consulat est déjà plein de religieuses, de frères de la doctrine chrétienne, qui viennent demander asile. Hier, les cuirassés hellènes ont déjà détruit la vieille forteresse de Platamona, sur la côte ouest du golfe, et incendié le petit port de Katérina. Et ce ne sont pas les bateaux de guerre du sultan qui pourraient empêcher l’entreprise. Ils ne sont représentés que par un pauvre petit aviso, qui, mouillé à cinquante mètres du quai, achève de tomber en ruines. Enfin, présage inquiétant, le vali de Salonique, c’est-à-dire le gouverneur général, Son Excellence Riza-Pacha, vient d’envoyer son harem à la campagne. Tout le monde comprend l’importance significative de cet événement !

Notre consul, M. Veillet-Dufrêche, essaye de rassurer tous ces pauvres gens. D’abord, on a bien vu ce que pouvait faire la flotte grecque par l’exemple de Préveza d’Epire, qui devait être prise en une heure et qui tient toujours ; il y a des torpilles dans la rade, il y a le fort de Karavouroun, qu’il faudrait commencer par réduire au silence, et qui vaut mieux que Préveza. Enfin le harem de Riza-Pacha est à la campagne, mais ce harem se compose d’une femme, le gouverneur, comme la plupart des Turcs d’aujourd’hui, trouvant que c’est bien assez ; et voilà déjà un mois que Mme Riza, un peu souffrante, un peu nerveuse, persécute son mari pour qu’il lui permette d’aller en villégiature ; celui-ci, accablé de travaux, s’est empressé, aussitôt qu’il l’a pu, d’accéder à ce désir. Y a-t-il de quoi faire trembler un peuple ?

Ainsi parle notre consul, avec un sang-froid réconfortant, mais je n’oserais affirmer qu’il soit aussi convaincu qu’il le paraît.

6 heures du soir. — Larissa est pris. La nouvelle officielle