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gnemens obtenus par Charlys se représenter à peu près les forces de l’ennemi. On savait que le 18 le roi de Prusse avait lui-même dirigé l’armée allemande. Aujourd’hui 200 000 hommes nous bloquaient : six corps, appartenant à la première et à la deuxième armée commandées par Frédéric-Charles, fermaient le cercle ; on en signalait deux autres, vers Roncourt et sur la route de Briey. La sortie serait chaude ! Quelle direction prendrait-on ? Là-dessus, les avis se partageaient :

— Pourquoi, disait l’un, ne pas se jeter dans l’est, trancher ainsi les communications avec l’Allemagne et prendre les Prussiens au piège entre les Vosges et la Meuse ? — Décherac proposa : — En s’avançant au sud, appuyés sur les flancs par la Moselle et la Seille, on couperait les lignes d’opération du Prince Rouge et, sitôt qu’on aurait atteint Frouard, on menacerait celles du Prince Royal. — Eh bien, moi, dit Francastel, je chasserais l’ennemi des positions de Saint-Privat, je me rouvrirais la route de Briey et je gagnerais la Meuse au plus vite.

— Oui, Picrochole ! murmura Floppe, qui avait lu Rabelais. Massoli se désintéressait de la question :

— Ce que je ne comprends pas, dit-il de sa voix grasse, c’est que le maréchal n’ait pas encore distribué les récompenses, ni fait les citations à l’ordre de l’armée. La valeur de nos troupes, dans ces trois combats, méritait mieux qu’un ordre général ampoulé.

La rosette hypnotisait le gros homme ; il lui semblait que l’héroïsme des autres devait lui profiter. Francastel dit :

— Ma foi, un bout de ruban rouge ferait l’affaire de plus d’un.

Il se fût contenté d’être cet un. Des regards convergeaient vers Du Breuil. Son action d’éclat, le soir du 18, la Marseillaise arrêtant le flot des fuyards, était connue ; Laune, Charlys, l’en avaient félicité chaudement.

La nécessité de sortir, de tendre la main à Mac-Mahon, l’impossibilité de prolonger l’inaction sous les murs de Metz, apparaissaient à l’armée entière. Après la glorieuse série des derniers combats, chacun, frémissant encore, ne demandait qu’à vaincre. Toutes les âmes se tendirent vers l’espoir d’une bataille décisive. Bazaine, fidèle en apparence à son plan du 19, transmis par dépêche à l’Empereur : « Je compte toujours prendre la direction du nord-est et me jeter par Montmédy sur la grande route de Sainte-Menehould à Châlons, si celle-ci n'est pas trop fortement occupée ; dans le cas contraire, je marcherai par Sedan et même