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ensemble, en une Eglise nationale ; cet effort échoua ; et l’esprit particulariste, qui s’efforçait de devenir discret dans les divers États de l’Allemagne unifiée, se réfugia, vivace, dans les diverses Eglises. Mais entre elles, peu à peu, des liens s’établissent : tous les deux ans, elles envoient des représentais à la conférence d’Eisenach, pour étudier certaines questions intéressant la vie ecclésiastique ; elles sont affiliées à l’Alliance évangélique, fondée en Angleterre il y a un demi-siècle pour grouper, en des réunions d’entente, toutes les variétés de christianisme ; elles concourent, toutes ensemble, à la défense et à la diffusion de la foi protestante, par l’appui pécuniaire qu’elles prêtent, parfois officiellement, à l’Association de Gustave-Adolphe, championne et missionnaire de la Réforme. Ainsi s’abaissent les barrières qui séparaient entre elles les Landeskirchen ; et c’est là une première conquête sur l’étroitesse naturelle de cette conception religieuse.

De toutes parts, en Allemagne, on rêve d’une autre conquête : on voudrait que chaque Eglise, au lieu d’attendre ses inspirations d’en haut, commençât à se les suggérer elle-même, par en bas. On souhaiterait que les fidèles prissent, effectivement, une part plus intime à la vie officielle de l’Eglise ; que dans chaque communauté ils formassent un groupe actif et vivant ; que chacun de ces groupes, associant l’activité charitable à l’activité religieuse, devînt, dans le village ou dans la petite ville, comme un office central de toutes les institutions philanthropiques ; et que tous, concertant leurs efforts, travaillassent à réformer l’Eglise depuis la base jusqu’au faîte, et depuis le temple rural jusqu’aux facultés de théologie. Au terme de ce travail, la Landeskirche devrait céder la place à une « Eglise populaire » (Volkskirche), à une église de masses (Massenkirche). Ces plans grandioses ne sont point d’aujourd’hui : ils traversaient déjà, à la fin du XVIIe siècle, l’imagination mystique des piétistes. Mais pour qu’ils aient chance de succès, une hypothèse est présupposée : c’est que les communautés paroissiales, objet de ces généreuses ambitions, sont douées d’une certaine vitalité. Or cette hypothèse, que vaut-elle à l’heure présente ?

On la peut dire fondée, nous l’avons vu, dans une précédente étude[1], si l’on envisage les communautés de la Prusse rhénane,

  1. Voir la Revue du 15 juin 1896.