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de la Westphalie, de certaines régions de l’Allemagne méridionale. Mais dans la plus grande partie de l’Empire, les communautés évangéliques sont des corps sans âme.

« Chacun son métier : nous faisons le nôtre, et le pasteur fait le sien ; il est, tout comme nous-mêmes, un stipendié de l’Etat capitaliste ; et tout comme nous il gagne sa vie » ; ainsi s’expriment, parmi la masse incroyante des ouvriers des villes, ceux qui sont les moins malveillans pour l’Eglise. Au prêche, qu’iraient-ils faire ? Les orateurs des réunions politiques, les tribuns des meetings ouvriers, les conférenciers des sociétés d’instruction, opposent aux prédicateurs une concurrence redoutable, invaincue. On a cru faire à l’esprit du temps une habile concession en atténuant de plus en plus, dans la prédication protestante, renseignement dogmatique, que d’elle seule on pouvait attendre et qu’elle seule pouvait donner. Mais en sacrifiant ainsi les sujets dont elle avait le monopole, elle s’est exposée à de redoutables comparaisons, et l’auditoire s’est clairsemé. L’indifférence ou l’hostilité sont si répandues, dans les grandes villes, que les conseils laïques des communautés paroissiales, représentation théorique de tous les fidèles, ne sont, d’ordinaire, que l’expression d’une coterie : personnages bien pensans qui sont comme l’ombre du pasteur, ou frondeurs de distinction qui lui portent ombrage et prennent ombrage de lui. Il ne faut point attendre de ces conseils une spontanéité d’initiatives religieuses ; il ne faut point y chercher, non plus, un caractère populaire ; et dans les synodes provinciaux à l’élection desquels ils contribuent, ce caractère fait encore plus défaut.

Que si nous passons aux campagnes, il est clair que lorsque le pasteur doit compter avec l’un de ces hobereaux impérieux dont M. Sudermann, en son roman l’Indestructible passé, nous offre un puissant croquis, insensiblement il tombe à l’état de chapelain ; et la vie paroissiale, en de semblables communautés, n’est même point en passe d’éveil. Plus souvent le pasteur rural, demi-paysan lui-même, est isolé au milieu des paysans. Deux ecclésiastiques évangéliques, MM. Paul Gerade et Hermann Gebhardt, ont écrit, sur l’état d’esprit de la population des campagnes, de précieuses monographies : on en retire cette impression que le christianisme évangélique est aujourd’hui sans prise, soit pour retenir, soit pour reconquérir l’âme du paysan. « Il s’en faut de beaucoup, écrit M. Gebhardt, que la dogmatique et la morale du paysan