messieurs du grand Quartier général, messieurs les officiers de Bazaine, que vous nous préparez ? Je ne te demande pas de m’expliquer cette fois la sortie de Noisseville ? Hein ? ça t’embarrasserait !
Du Breuil le regardait ; un ton pareil, d’Avol était fou !… Il allait répondre ; il entendit un bruissement faible, Anine était derrière eux. Son visage rayonnait, mais elle avait les yeux pleins de larmes :
— Maman a poussé un grand cri, puis elle a appelé Maurice, maintenant ils pleurent ensemble. Venez vous réjouir avec nous.
Bien qu’il eût parfaitement vu Gustave et Thibaut qui s’approchaient pour l’enlever avec sa chaise, d’Avol ricana :
— C’est bon pour Pierre ! Vous oubliez que je suis impotent, moi !
Qu’est-ce qui lui prenait ? Anine, pour toute réponse, souriait avec une sorte de compassion dont la dignité frappa Du Breuil. Derrière le blessé :
— Qu’a donc d’Avol ? fit-il tout bas. — Elle restait muette. Alors il murmura doucement :
— Je partage votre joie.
Elle dit au bout d’un instant :
— Maurice nous a raconté la mort d’André. Les cuirassiers de Morsbronn sont tombés en héros…
Il songea à Lacoste et dit :
— Oui, il est beau de mourir ainsi.
Au salon, dans le groupe attendri, qui unissait Maurice et sa mère, Bersheim d’un côté, grand’mère Sophia de l’autre, le Père Desroques un peu à l’écart, — Du Breuil chercha les beaux yeux de Mme Bersheim. Elle était transfigurée. Mère douloureuse, elle penchait la tête sur l’épaule de son fils, et à pleurs doux et silencieux épanchait son cœur. Du Breuil baisa respectueusement la main qu’elle lui tendait, il se retourna vers d’Avol qu’on transportait.
— Ton cousin Jacques, dit grand’mère Sophia.
Maurice se leva pour embrasser d’Avol qui se laissa faire, pâle, un feu dans le regard :
— Mon pauvre garçon, dit-il, tu nous apportes de fichues nouvelles ! Après tout, ça ne va guère mieux ici !
Parole dure, qu’un malaise suivit. Avec sa tête rasée, ses joues hâves, Maurice avait l’air d’un pauvre garçon en effet,