la douceur caressante et le plaisir physique qu’une mélodie, une cadence de Mozart insinue quelquefois en nous. Que ce soit Fidelio, le cycle des lieder : A la bien-aimée absente, toute musique d’amour de Beethoven est austère et la volupté n’y a point de part. Ce n’est pas tout, et l’idéalisme de Beethoven ne consiste pas seulement dans la chasteté de son génie. Beethoven est idéaliste, et cela signifie que pas une œuvre musicale n’est au même degré qu’une sonate, une symphonie du maître, l’effet ou le produit, l’évolution ou le rayonnement de ce qu’en musique on appelle une idée. Nulle part l’idée musicale n’agit, ne lutte, ne triomphe comme chez Beethoven. Beethoven est idéaliste, et cela signifie encore que le maître des neuf symphonies a su rendre sans le secours des mots, par la seule musique, non pas le sentiment ou la passion particulière de tel ou tel personnage, mais le sentiment en général et la passion en soi, autrement dit l’idée ou l’idéal de la passion et du sentiment. On trouve un magnifique exemple de cette généralisation dans l’adagio de la quatrième symphonie (en si bémol). Le sujet passionnel ou moral de cet adagio est connu. Il a été démontré que l’admirable mélodie est un chant d’amour adressé à la comtesse Thérèse de Brunswick, « l’immortelle bien-aimée ». De cet immortel amour un autre aveu s’est conservé : trois lettres de la même époque, écrites également par Beethoven à la comtesse Thérèse. Voilà donc une double expression, par les mots et par les sons, d’un sentiment unique. Il est intéressant de comparer la prose de Beethoven à sa musique et son amour qui parle à son amour qui chante. Quand il parle, c’est avec agitation, avec transport et même avec incohérence. D’un style inégal et décousu, hachées d’exclamations et d’apostrophes, les lettres trahissent l’état d’une âme en désordre et comme en délire. A chaque page, à chaque ligne, des appels y retentissent, et même des cris : « Mon ange ! mon tout ! mon moi !... Sois calme, aime-moi ! Aujourd’hui, hier, que je t’ai désirée ! que j’ai pleuré pour toi ! pour toi, pour toi, ma vie ! mon tout ! adieu ! Oh ! continue de m’aimer, sans méconnaître jamais le cœur fidèle de celui qui t’aime. » Et Beethoven signe ainsi : « Toujours à toi, toujours à moi, toujours l’un à l’autre. »
Voilà la réalité, voilà la nature et la vie ; voilà l’homme, mais l’homme seulement. Cherchez-vous plus que la nature, plus que la vie et la réalité ; , souhaitez-vous d’entendre, après d’humaines paroles, un langage divin. Relisez l’adagio de la symphonie