Loire, si elles se répartissaient également entre les saisons ; si leurs eaux rejoignaient lentement le fleuve ; si elles l’atteignaient enfin à intervalles assez réguliers. Rien de tel en réalité. Dans ses plaines occidentales, la Loire est soumise au même régime que tout l’ouest de la France : pluies de printemps et d’automne. Son cours supérieur, comme toute région méditerranéenne, reçoit surtout des pluies d’hiver. Neiges en hiver fondant au printemps, pluies d’automne et de printemps et surtout d’automne, presque rien en été, voilà le régime de la Loire. Pour l’aggraver, sa forte pente initiale précipite des montagnes les eaux à peine tombées, les neiges à peine fondues. Nul méandre ne les ralentit ; nul lac ne les modère dans les crues pour les déverser dans les sécheresses, comme il arrive au Rhône, au Rhin, aux rivières lombardes.
Ajoutez à cela la terrible influence du terrain. Lave, porphyre, gneiss, granité, schiste, on trouve toutes les roches imperméables dans le bassin de la Loire. Pour comble de malheur, elles constituent les montagnes. Le bassin de la Seine, dont les terrains imperméables ne forment qu’un quart, en comprend encore de bas et de plats comme le Gâtinais, une partie de la Brie, ou de peu inclinés comme la Champagne humide. La Loire a tout contre elle ; 45 pour 100 de son aire sont composés de ces roches funestes et cela dans les reliefs uniquement : le Massif central tout entier, le Morvan, les collines du Maine, la Gâtine, le Bocage vendéen. Mais les plaines sont toutes perméables, — on s’en passerait, — et le lit même du fleuve, qu’il faudrait imperméable, n’est formé que de limon, de sables, vraies éponges, ou de roches si poreuses que le fleuve s’y engloutit en partie comme dans le Val de Loire. Les eaux pluviales courent donc trop vite au lit du fleuve et là sont bues en partie.
Enfin les affluens sont mal distribués. L’Allier rejoint la Loire encore trop impétueuse ; mais nul autre affluent ne vient la soutenir ni de droite, ni de gauche quand ses eaux se perdent dans le Val, au moment le plus critique. La Loire coule là comme le Nil entre les déserts libyque et nubien. Plus loin, il est vrai, sur un espace moitié plus court que cette stérile section, les affluens semblent se donner rendez-vous : c’est le Cher, l’Indre, la Vienne, la Maine, tous affluens sérieux dont quelques-uns même apportent beaucoup d’eau. A Nantes, Erdre et Sèvre se jettent en face l’une de l’autre. Mais alors la mer attend le fleuve