Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 144.djvu/646

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à l’heure entre Roanne et Nevers. 4 vers Tours, 6 à Saumur, o à Nantes, de même sur l’Allier.

Chaque crue précipite dans le lit du fleuve une énorme masse d’eau animée d’une très grande vitesse. Le flot passé, la Loire retourne au régime congru. Aussi, comme tous les fleuves sembables, a-t-elle deux lits : le mineur, où serpentent quelques filets liquides, au temps des maigres ; le majeur, où les crues puissantes étalent leurs eaux tumultueuses. Le lit mineur est large d’environ (33 mètres du Bec d’Allier à Briare, 341 de Briare à Orléans, 312 d’Orléans à Blois, 356 de Blois à Tours, 386 de Tours à Saumur, 470 de Saumur aux Ponts-de-Cé, 415 des Ponts-de-Cé à Nantes. Mais cette largeur se réduit parfois à 150 et même 50 mètres. Le lit majeur, compris entre les coteaux et les digues insubmersibles, présente une largeur moyenne de 1 433 mètres du Bec d’Allier à Briare, de 1 036 de Briare à Orléans, de 713 d’Orléans à Tours, de 1 062 de Tours aux Ponts-de-Cé, et de 1 620 de ce point à Nantes. Mais ce sont des moyennes : le lit majeur varie de 450 à 6 000 mètres, surtout en Maine-et-Loire. Le fleuve s’épanouit dans les plaines du Forez, de Roanne, du Val de Loire, du Val d’Anjou, lacs primitifs que fermaient des barrages. Le fleuve, peu à peu, a comblé ces lacs en amont, élargi leurs gorges en aval ; les eaux se sont écoulées, abandonnant les plaines à la végétation. Ainsi la Loire est-elle passée de la phase lacustre à la phase fluviale. Mais si, dans les parties resserrées, le chenal se maintient assez bien, il divague dans les vals au milieu d’un épais limon, au milieu surtout de bancs de sable immenses, dont la végétation, la culture même souvent fixent les rives jadis incertaines.

Les sables ! Comment sauver un fleuve qui en roule, qui en étale sur des centaines de kilomètres ? Le voyageur le plus léger est frappé à ce spectacle. La matière solide attire seule son regard. « C’est un fleuve de sable ! » Il se représente la Loire comme ces torrens de bouc qui sortent parfois des glaciers. Il sait confusément que les crues violentes et même modérées arrachent des quartiers de roche aux berges du cours supérieur. Son imagination lui montre bien vite des masses énormes de sable rampant silencieusement du Velay à l’Océan, sur mille kilomètres, sans relâche, depuis des milliers d’années, de siècles peut-être. Et la preuve, dit-on, c’est que la baie de la Loire s’ensable.

Voilà la conception vulgaire. Rien de tel on vérité. Un premier