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Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 144.djvu/647

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point d’abord : la Loire n’érode que le Massif central. Tous ses sables en viennent, et cela depuis bien longtemps, dès l’ère tertiaire, quand la Loire se jetait dans la Seine[1]. Depuis lors, bien des alluvions sont sorties des montagnes ; le fleuve les a remaniées, et les remanie sans cesse. Ici il attaque une île, l’effile, la réduit à rien, affouille une berge élevée, la mine, la renverse et l’emporte ; là, au contraire, il allonge un banc derrière une barque échouée, un saule dont foisonnent les racines, ou comble une jolie crique, maçonne des rives ébranlées. Mais toutes ces actions se compensent. Sans doute il y a érosion et beaucoup trop encore ; mais elle est limitée à l’Allier et à la Loire supérieure, et, pour celle-ci, surtout aux berges des plaines de Brives, Saint-Vincent et Bras, dans la Haute-Loire, du Forez et de Roanne dans la Loire. Là les rives sont mal défendues, on a déboisé imprudemment, et le sol (argiles sableuses tertiaires) n’offre pas la résistance des terrains primitifs, primaires et éruptifs du Massif central. Un cours d’eau, si puissant soit-il, ne triomphe pas si aisément du granit, du gneiss ou du porphyre !

Le mal est trop grand encore[2]. L’ingénieur Comoy calculait que la grande crue de 1856 avait détruit les berges de la Loire, en amont du Bec, sur 448 684 mètres carrés et emporté 1 554 782 mètres cubes ; le ravage aurait été pour l’Allier de 2 255 319 mètres carrés, soit 6 311 45 4 mètres cubes. Le désastre fut exceptionnel. Mais en moyenne, en amont du Bec, l’apport est de 2 300 000 mètres cubes de sable et de gravier<ref> Ces deux élémens forment pour la Loire supérieure 67 p. 100 des terres charriées, 57 p. 100 pour l’Allier. Quant à l’argile, elle reste en suspension et se dépose partiellement en route. </<ref>. Le colmatage heureusement compense en partie la destruction. Sinon les plaines d’Allier seraient détruites en deux cents ans, celles de la Haute-Loire en deux mille. La destruction prévaut, mais si peu que, juste au-dessous du Bec, l’apport est réduit à un million de mètres cubes. Les riverains en enlèvent 600 000 par an (150 000 de graviers, et 450 000 de sable). La Loire maritime ne reçoit donc guère, en sus du limon, que 400 000 mètres de matières solides, par an.

  1. On trouve de la lave des Dômes dans les argiles ferrugineuses du plateau des Yvelines, près de Cernay.
  2. Les années très humides et à grandes crues donneraient un déblai de 8 900 000 mètres cubes pour la Loire supérieure et l’Allier ; les années très sèches 1 400 000 mètres seulement ; les années moyennes 3 800 000 environ.