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cherchait. Le droit public avait été violé inutilement. C’était le moment de protester de ses bonnes intentions et de se laver les mains, selon les rites et protocoles. Les papiers furent restitués aux Français ; l’Empereur ordonna une enquête et promit de faire justice. L’enquête se perdit dans le bruit de la guerre, et la justice aboutit à l’acquittement des inculpés. La conclusion est tout entière en cette lettre que l’archiduc Charles écrivit à l’Empereur, le 18 mai : « Je dois en cette affaire, et comme frère, te prier de m’accorder une grâce spéciale pour le général Schmidt. Entraîné par sa haine contre les Français, il a, dans une lettre particulière, fait connaître à Mayer une idée, ou mieux des sentimens ; Mayer a donné à cette lettre une interprétation particulière, et la chose a, dans les degrés inférieurs, reçu plusieurs additions, d’où résulta l’événement. Les choses ont pris ainsi une tournure malheureuse. Je regarde la faute de Schmidt comme un acte de précipitation, comme une explosion intempestive de son aversion passionnée contre les Français ; il a manqué de sang-froid, et ne s’est pas représenté les conséquences. »

Pour détourner l’attention et couvrir la retraite, les publicistes autrichiens remplirent les gazettes d’insinuations qui parurent d’autant plus probantes qu’elles étaient plus invraisemblables. On accusa le Directoire d’avoir fait tuer ses propres agens pour rejeter sur l’Autriche l’odieux de la rupture ; la réputation des Directeurs était telle que cette version trouva crédit en France et même en Europe où les Directeurs cependant étaient moins connus. On accusa le malheureux De Bry, qui fut contraint de se justifier dans les formes. On accusa les émigrés et jusqu’à la reine Marie-Caroline.

Au fond, les apologies de la cour de Vienne, plaidoiries de casuistes devant un jury de badauds, se bornèrent à cet argument : la chancellerie n’a rien ordonné, car il ne reste aucune trace d’ordres de sa part ; l’archiduc était malade et paraît hors de cause ; tout se réduit à ce qu’on nomme, en style de dépêche, « un regrettable malentendu », de la part du chef, et à des actes « fâcheux » de brutalité, de la part des soldats.

S’il y a eu un malentendu, il s’est transmis hiérarchiquement, avec une suite singulière, du commandant en chef au dernier des hussards ; s’il y a eu simplement brutalité soldatesque, les hussards y ont apporté une méthode surprenante. Barbaczy avait-il donné l’ordre de prendre les papiers et de respecter les personnes ? En