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ce cas, les officiers sont coupables d’avoir transgressé ses commandemens. Barbaczy a-t-il négligé de donner des instructions pour la sûreté des personnes ? Cette négligence, après les réclamations réitérées d’escorte et de sauvegarde de la part des Français, équivaut à un guet-apens. S’il n’y avait pas d’officiers présens sur le lieu de l’attentat, ou si, présens, ils s’en sont remis à l’inspiration des soldats, comment ces hussards dont l’emportement sauvage, l’ivresse sanguinaire, la haine aveugle seraient les seules causes de l’attentat, ont-ils, dans la chaleur de l’embuscade, trouvé le sang-froid qui, au témoignage de l’archiduc, avait manqué au général, dans l’expédition de ses ordres ? Comment ont-ils su se porter tout droit aux chefs de la mission, ont-ils respecté les secrétaires, les serviteurs, les femmes, se sont-ils enfin contentés, en spadassins bien appris de cour et d’Etat, d’assouvir leur vengeance sur les seuls plénipotentiaires, après avoir pris soin de leur demander, en français, leur nom, et de constater leur identité[1] ? ¬¬¬

II

L’attentat de Rastadt ne fut ni la cause, ni même le prétexte de la guerre de 1799 ; il en fut le contre-coup. Les hostilités avaient recommencé avant cet attentat : la coalition était formée depuis plusieurs semaines. Cette coalition, la seconde dans la série historique, était mieux serrée et infiniment plus redoutable que celle de 1792-1793. La coalition de 1792-1793 se donnait pour prétexte de rétablir la monarchie en France, et elle travaillait, en fait, à démembrer, d’un côté, le royaume des Bourbons, de l’autre la république de Pologne. Celle de 1799, comme toutes celles qui suivirent, en 1805, en 1809, 1812, 1813, vise à refouler dans ses anciennes limites la France conquérante, à l’y entamer, si elle le peut, et, dans tous les cas, à s’en partager les dépouilles. Le

  1. Il a été publié, sur l’attentat de Rastadt, toute une bibliothèque de livres, brochures, articles de revues. On en trouvera un catalogue dans Helfert : Der Rastatter Gesandtenmord : Vienne, 1871. Depuis lors, M. de Sybel, dans la 4e édition de son histoire, — traduction française, — et dans des articles de sa revue, a discuté la question et produit des documens nouveaux ; de même M. Hütter, dans son Histoire du Congrès. Le dernier mot parait avoir été dit par ce savant et sagace historien, dans son écrit : Der Rastatter Gesandtenmord : Bonn, 1896, analysé par lui-même dans la Revue historique, 1896. Voir en outre les écrits de MM. Obser (Commission historique badoise), de M. Eckart, Montgelas ; Munich, 1895 ; de M. Oncken, t. I. p. 830-832, avec bibliographie et notes, 1886.