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pouvaient devenir funestes au repos de l’Europe. Il n’y avait plus dès lors d’obstacles du côté des puissances. La France était maîtresse de son action, au dehors, comme au dedans. Il s’agissait de savoir désormais si l’expédition, au cas où elle allait s’engager, répondrait au but que le cabinet français s’était proposé, en l’entreprenant, malgré les sinistres présages que les oppositions coalisées du dedans et du dehors avaient formulés contre elle.


V. — LA GUERRE D’ESPAGNE

L’armée française passa la Bidassoa le 20 mars 1823, et deux mois après, le 24 mai, elle entra dans Madrid. Le 2 octobre, le Roi, que les Cortès révolutionnaires avaient transporté à Cadix, était délivré par M, le duc d’Angoulême et rendu à la liberté. Je n’ai pas à retracer ici l’histoire bien connue de cette campagne, qui fut presque une promenade militaire et une succession de quelques brillans faits d’armes, où l’ancienne et la nouvelle armée française se fusionnèrent, comme l’avait prédit Chateaubriand, dans la fraternité des champs de bataille. Je veux seulement en constater les résultats politiques.

A la grande différence de 1808, la majorité du pays, qui était royaliste, nous soutint toujours assez ouvertement, et nous ne trouvâmes devant nous, comme véritables ennemis, que les généraux ou les hommes politiques qui avaient embrassé le parti de la révolution. Leur résistance, à l’exception de celle des généraux Mina et Ballasteros, ne fut pas bien sérieuse et ne pouvait l’être en présence des dispositions réelles de la nation. La grande difficulté n’était pas là. Elle devait venir précisément de celui que nous allions délivrer de ses ennemis et qui cherchait malheureusement à retrouver, dans son trône restauré, l’occasion de satisfaire ses vengeances particulières, Ferdinand VII était le grand obstacle à la politique de générosité et d’oubli que M. le duc d’Angoulême et le gouvernement du roi Louis XVIII, auraient voulu faire prévaloir. Nous devions nous heurter à cet obstacle, et c’est l’objection la plus sérieuse qui subsiste encore aujourd’hui contre les résultats de cette campagne.

Mais il faut le reconnaître, ce qui fit la facilité de notre expédition était précisément la conviction chez hi majorité du peuple espagnol soutenu par le clergé, que nous allions rétablir le Roi dans la plénitude de son pouvoir. Autrement, nous aurions pu