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Russie[1]. — Et il avait raison de l’encourager, car l’empereur Alexandre devait encore cette fois, par son attitude énergique, dissiper et réduire à néant le mauvais vouloir de l’Angleterre.

Par une dépêche circulaire adressée le 3/15 mars 1823, à Paris, Londres, Vienne et Berlin, le comte de Nesselrode fut chargé de faire au nom de son souverain les déclarations suivantes :

« L’Empereur se flattait encore que la modération prévaudrait dans les conseils du gouvernement anglais qui ne voudra pas, par une rupture avec la France, s’exposer à détruire tous les liens qui l’unissent au continent. Mais si, contre toute attente, l’Angleterre déclarait la guerre à la France pour empêcher le gouvernement de Sa Majesté Très Chrétienne de rendre à l’Espagne le plus essentiel des services. Sa Majesté Impériale autorise son ambassadeur à assurer, dès à présent, le cabinet des Tuileries que ses intentions ne changent pas et que, pour sa part, il regarderait l’attaque dirigée contre la France comme une attaque générale contre les alliés et qu’il accepterait, sans hésiter, les conséquences de ce principe. »

Dans une autre dépêche adressée le même jour au comte, depuis prince de Lieven, ambassadeur de Russie à Londres, M. de Nesselrode disait :

« L’Empereur ordonne à son ambassadeur d’exprimer au cabinet britannique les mêmes sentimens ; de lui rappeler que, dans des circonstances pareilles, l’opposition avait rencontré d’éloquens adversaires dans le sein du ministère et qu’il s’était appliqué plus d’une fois à resserrer les liens de l’alliance qu’il semble méconnaître dans cette circonstance.

« Le comte de Lieven a ordre de s’expliquer dans ce sens vis-à-vis de M. Canning et de lui faire observer que Sa Majesté Impériale a été surprise de voir que l’Angleterre trouvait alarmant, dans la bouche du roi de France, le principe qu’elle a implicitement admis dans toutes les transactions qui ont eu la France pour objet et qu’elle déclarait juste et inattaquable en Espagne une cause qu’elle n’a soutenue, ni à Naples, ni dans le Piémont. »

Ce langage si énergique de l’empereur Alexandre calma l’opposition de l’Angleterre. M. de Metternich, se sentant lié par la Russie, fit alors lui-même des démarches auprès de M. Canning pour le conjurer de ne pas soulever des complications qui

  1. Notes de mon père.