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devenir une nation, on veut, au moins, autant que possible, nous isoler de l’Europe.

Mais cette politique ne devait pas se borner à des entretiens confidentiels. M. de Metternich imagina une combinaison étrange et qui, bien qu’elle fût aussi singulière que malencontreuse, fit passer quelques mauvaises nuits à Chateaubriand. Il en parle dans son Congrès de Vérone avec une colère encore mal dissimulée et qui est parfaitement explicable. Voici ce dont il s’agissait.

On sait que M. le duc d’Angoulême, poursuivant son expédition militaire à travers l’Espagne, avait constitué, avant de quitter Madrid, pour aller délivrer Ferdinand VII prisonnier dans Cadix, une régence provisoire, qui devait représenter le Roi captif jusqu’à son entière libération. Cette régence, composée du duc de l’infantado, du duc de Montemar, du baron d’Eroles, de l’évêque d’Osma et D. Antonio Gomez Calderon, avait été choisie par le duc d’Angoulême sur la présentation des Conseils de Castille et des Indes. Elle devait réunir ses efforts aux nôtres, pour discipliner, diriger et contenir au besoin les agens royalistes qui, sous prétexte de nous aider, ne cherchaient souvent qu’à assouvir leurs passions et leurs vengeances particulières. Pour qu’elle eût quelque autorité, le gouvernement français, d’accord avec le duc d’Angoulême, songea à accréditer auprès d’elle les agens des puissances étrangères et il donna lui-même l’exemple en nommant un chargé d’affaires auprès de la Régence.

Il n’y avait là, en apparence, rien que de très simple, puisque cette décision réservait tous les droits du Roi. Quel ne fut donc pas l’étonnement de Chateaubriand, lorsque, au moment où il s’y attendait le moins, il reçut une lettre du prince de Castelcicala, ambassadeur de Naples à Paris, notifiant au cabinet français que le roi, son maître, étant le plus proche parent du roi d’Espagne, la régence lui appartenait de droit pendant la captivité de Ferdinand VII. C’était une misérable chicane de mots que d’appeler Régence un gouvernement provisoire, ou une junte administrative, qui n’existait que par notre permission et comme conséquence de notre intervention militaire. On sut immédiatement que jamais cette prétention de l’ambassadeur du roi de Naples n’aurait osé se produire, si l’Autriche, qui occupait militairement ses États, ne l’avait encouragée en secret. Ainsi, suivant M. de Metternich, le roi de Naples qui, après le congrès de Vérone, avait pour plus de sûreté passé son hiver à Vienne et s’y