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trouvait encore, qui ne pouvait gouverner ses propres États et les faisait gouverner par l’Autriche, aurait dû régir l’Espagne : et la France, qui versait pour la délivrance de Ferdinand VII son sang et son or, aurait dû, pour agir dans ce pays, prendre les ordres des ambassadeurs du roi de Naples et en réalité ceux du prince de Metternich.

C’était insoutenable. Il n’en fallut pas moins que Chateaubriand, redoutant quelque accord secret entre l’Angleterre et l’Autriche, prît la peine d’écrire à M. de Caraman à Vienne, à M. de La Ferronnays à Saint-Pétersbourg et fît lui-même un long mémoire, communiqué aux cours étrangères, pour réfuter de point en point les prétentions du prince de Castelcicala. Cette réclamation, qui ne semblait pas pouvoir être sérieuse, retarda le départ des agens étrangers pour Madrid. A la fin, l’empereur Alexandre, sur la demande de M. de La Ferronnays, ayant fait dire au roi qu'il lui conseillait d’abord de retourner à Naples gouverner ses propres États, et la Prusse s’étant rangée à notre opinion, l’Autriche invita le prince de Castelcicala à ne plus insister sur les conclusions de sa note et à la considérer, pour le moment, comme non avenue. Mais ce ne fut pas encore la fin de l’incident. Le comte Brunetti, envoyé d’Autriche, étant arrivé à Madrid, avait des lettres de créance qui l’accréditaient seulement auprès du Roi encore prisonnier des Cortès révolutionnaires. Il y eut là un nouveau temps d’arrêt. Enfin des ordres lui furent envoyés de Vienne, et il reçut ses nouvelles lettres qu'il put présenter à la Régence.

Il n’est donc pas surprenant que la réponse, d’ailleurs très convenable, du prince de Metternich, en apprenant la libération de Ferdinand VII, ne tut accompagnée d’aucun témoignage de satisfaction particulière de la part de l’empereur François II pour Chateaubriand. Celle de la Prusse fut, au contraire, des plus empressées. Il faut tenir compte, pour en comprendre l’effusion, des sympathies que Chateaubriand avait su conquérir à Berlin, pendant la mission qu'il y avait remplie sous le ministère du duc de Richelieu, et qui lui étaient personnelles. Dans le septième volume de ses Mémoires d’Outre-Tombe, il nous cite, avec une complaisance un peu excessive, ses rapports avec M. Ancillon, sous-secrétaire diktat, et surtout les lettres que la duchesse de Cumberland voulait bien lui adresser. Il eût été préférable pour sa mémoire qu'il nous en laissât seulement soupçonner l’existence, sans étaler ainsi