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absorbées ni retenues, produisait à Ajello Calabro une sorte de mare stagnante, incessant laboratoire de miasmes, dont l’inquiétant voisinage faisait fuir, en l’espace de quarante ans, 1 500 habitans au moins sur 2 000. Ainsi les initiatives de certains propriétaires, mal disciplinées par la législation trop indulgente qui régit les déboisemens, apparaissaient comme aussi coupables, sinon plus dangereuses, que l’indifférence des autres.

Soit que, résignés à un maigre revenu et même à la stérilité de leurs domaines, les propriétaires s’abstinssent de toutes dépenses qui les pourraient assainir ou fertiliser, soit que, jaloux d’en accroître le profit, ils négligeassent de prévoir et de calculer les répercussions, peut-être funestes, qu’auraient sur les régions avoisinantes les changemens introduits sur leur propre sol, ils demeuraient, dans l’un et l’autre cas, les captifs de cette idée, que leur situation de propriétaires ne leur imposait nuls devoirs, ni envers la terre ni envers les hommes. Cette idée régnait en souveraine sur leurs esprits et jusque sur leurs cœurs ; à mesure que survinrent les crises qui diminuèrent le prix de beaucoup de leurs produits, elle passa dans la pratique quotidienne avec une âpreté et une soudaineté qui n’avaient d’égales que l’âpreté et la soudaineté mêmes de ces crises. Les formes de contrats qui jadis associaient efficacement le travailleur aux soucis et aux revenus de la culture commencèrent alors d’être jugées trop onéreuses par le possesseur ; et les unes de disparaître, les autres de devenir oppressives. L’emphytéose, qui assurait à des familles rurales une quasi-propriété sur le sol que fécondaient leurs sueurs, était fort limitée depuis la loi de 1866 ; elle a maintenant presque cessé. Les contrats de fermage, tels que les détaillent, avec une sèche impartialité, les documens officiels du ministère de l’agriculture, et tels que les commentent de savans économistes comme M. Francesco Nitti, ménagent au propriétaire une part léonine[1]. Le « contrat d’amélioration » (contralto a miglioria), moyennant lequel un campagnard s’oblige à inaugurer sur une terre certaines cultures nouvelles, et à la rendre, ainsi transformée, après un délai convenu, réserve, bien souvent, à cet audacieux initiateur plus d’ennuis que de promesses et plus de ruines que d’avantages. L’esprit équitable du métayage, tel que l’analysait autrefois

  1. I contratti agrari in Italia ; Rome, 1891. — Commissione per i contratti agrari : verbale delle adunanze ; Rome, 1895. — Nitti, Agricultural contracts in South Italy (The Economic Review, juillet 1893).