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le 2e, d’Avesnes sur Maubeuge ; le 3e, de Rocroi sur Chimay ; le 4e, de Thionville sur Rocroi ; le 6e, de Soissons sur Avesnes ; la garde impériale, de Paris par Soissons sur Avesnes. Toute communication avec la Belgique et les provinces Rhénanes étaient interceptée ; dans les ports de mer, l’embargo fut mis sur tous les bâtimens, jusque sur les barques de pêcheurs ; et pour ne point donner l’éveil aux avant-postes ennemis, des corps francs et des divisions de gardes nationales vinrent remplacer aux frontières de la Lorraine et des Flandres les troupes dirigées sur les points de rassemblement. Quand Napoléon, qui avait quitté Paris dans la nuit, arriva à Laon le 11 juin, à midi, toutes les troupes achevaient leurs mouvemens. Seul Grouchy, dont le quartier général était précisément à Laon, n’avait pas encore fait bouger ses quatre corps de cavalerie. Mandé chez l’Empereur, il dit qu’il n’avait reçu aucun ordre. En effet, le major général lui avait bien transmis les instructions de l’Empereur, mais, on ne sait par quelle confusion, elles ne lui étaient point parvenues. Grouchy envoya incontinent l’ordre aux quatre corps de cavalerie de se rendre à la frontière à marches forcées, et lui-même, sans perdre une heure, partit pour Avesnes. La concentration ne fut point retardée puisque toute la cavalerie de réserve arriva au-delà d’Avesnes le 13 dans la nuit, mais plusieurs régimens durent faire 20 lieues sans débrider, mauvais entraînement pour des chevaux à l’ouverture d’une campagne. Si, au moins, ce fâcheux incident avait éveillé l’attention de l’Empereur sur la négligence de son major général à s’assurer que les ordres arrivaient sans retards aux destinataires !

Le 13 juin, l’Empereur vint coucher à Avesnes ; le soir du 14, il porta son quartier général à Reaumont au centre de son armée. Malgré le mauvais temps, toutes les troupes bivouaquèrent cette nuit-là afin de rester bien rassemblées. Au réveil, il leur fut donné lecture, à la tête des bivouacs, de l’ordre du jour de l’Empereur : « … Soldats, c’est aujourd’hui l’anniversaire de Marengo et de Friedland qui décidèrent deux fois du destin de l’Europe. Alors, comme après Austerlitz, comme après Wagram, nous fûmes trop généreux. Aujourd’hui, cependant, coalisés contre nous, les princes que nous avons laissés sur le trône en veulent à l’indépendance et aux droits les plus sacrés de la France. Ils ont commencé la plus injuste des agressions. Marchons donc à leur rencontre : eux et nous, ne sommes-nous plus les mêmes hommes ? »