Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 145.djvu/316

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme le tissu d’argent qui drape la sveltesse d’une vierge. S’évanouissant, fuyant, reparaissant toujours, la plage n’est plus enfin qu’une flaque de lumière vacillante. « Qu’importe que derrière moi, à l’ouest, se dresse la haute muraille des forêts ? Le monde est à l’orient ; combien amples le marais, et la mer, et le ciel ! Lieue sur lieue d’herbe drue, aux larges lames, montant à ceinture d’homme, verte et de taille uniforme, sans nuances et sans éclat. Elle s’étale à loisir en une nappe unie jusqu’à la limite bleue. »


— Oh ! qu’est-ce qui se passe au loin dans le marais et dans la mer terminale, — Que mon âme semble soudain affranchie — Du poids de la destinée, de la triste discussion du mal, — Par la longueur, et la largeur et la courbe des marais de Glynn ? — Marais, combien candide et simple et libre et sans réserve — Te proclames-tu devant le ciel et t’offres-tu à la mer ! — Plaines tolérantes qui souffrez la mer, et la pluie, et le soleil, — Vous vous étendez, vous mesurez l’espace comme l’homme universel qui puissamment a gagné — Dieu dans la science, qui tire le bien de l’infinie douleur, des ténèbres la vision et d’une tache la pureté. — Ainsi que la sarcelle bâtit discrètement sur le gazon aqueux, — Je me bâtirai un nid sur la grandeur de Dieu, — Je m’envolerai dans la grandeur de Dieu comme la sarcelle vole — Dans la liberté qui remplit tout l’espace entre le marais et les cieux. — Par autant de racines que l’herbe des marais en pousse dans le sol de Glynn, — Je plongerai de tout cœur dans la grandeur de Dieu. — A la grandeur de Dieu ressemble cette immensité — Des marais, des généreux marais de Glynn. — Et la mer se prête largement comme le marais : — Voyez, dans son abondance, la mer — Se répand. Bientôt ce sera le flux. — Voyez, la grâce de la mer se répand alentour — Dans tous les canaux compliqués qui se dirigent d’ici, de là — Partout, — Jusqu’à ce que les eaux aient inondé les moindres ravins et les plus fins replis, — Et que le marais soit sillonné d’un million de veines, — courant comme des essences d’argent et de rose — Dans l’éclat rosé et argenté du soir. — Adieu, seigneur soleil ! Les ruisseaux débordent, d’innombrables rigoles se creusent — Entre les brins d’herbe ; les lances des roseaux s’agitent ; — Un frémissement d’ailes rapide bruit à l’occident ; — Il passe, tout est tranquille, les courans ont fait halte — Et la mer et le marais ne sont qu’un. — Combien calme la plaine des eaux ! — La mer qui monte est en extase, — La mer est au plus haut — Et il fait nuit. — Et maintenant de l’Immensité de Dieu, les eaux du sommeil — Rouleront sur les âmes des hommes. — Mais qui révélera à notre intelligence éveillée — Les formes qui nagent et les formes qui rampent — Sous les eaux du sommeil ? — Je voudrais savoir ce qui nage dessous quand survient la marée — Sur la longueur et la largeur des merveilleux marais de Glynn.


Traduire des vers est toujours à peu près impossible, mais c’est presque une profanation que de toucher à ceux-ci, qui sont tout de