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parlementaire. L’État absolu, témoin l’autocratique Russie, malgré les énergiques efforts de ses souverains, échappe d’autant moins à ce péril de corruption que le contrôle y est plus malaisé. La grande différence est que, sous le régime autocratique, il est plus facile d’étouffer les scandales. La vénalité est couverte par le prestige de l’autorité et le silence contraint de la presse. Malgré cela, malgré le Noli me tangere derrière le quel s’abritent les représentais du pouvoir, les faits de corruption, jusque durant ces dernières années, ont été si nombreux et si païens qu’ils ont entraîné la démission de plusieurs hauts fonctionnaires, Gouvernement représentatif, gouvernement absolu, pour assainir la Bourse et prévenir les maux de la spéculation, il faut autre chose que la main de l’Etat et la vigilance d’un ministre. Ni tsars, ni rois, ni présidens, ni sénateurs, ni députés n’ont le don de guérir les maux de l’agiotage, comme autrefois les rois de France, sacrés avec la sainte ampoule, prétendaient guérir les écrouelles. Le contact des politiciens n’est pas un antiseptique ; ministres ou députés n’ont pas d’immunité contre la corruption ; loin d’arrêter la contagion, ils risquent fort de la prendre et de la transmettre. Aux bacilles de la finance, il n’est pas bon d’associer les vibrions de la politique. On dit bien que les microbes se combattent et s’entre-détruisent parfois les uns les autres ; à en juger par les faits, ce n’est pas le cas des bactéries de la politique et de la finance.

A quoi bon, hélas ! chercher des exemples et des leçons autour de nous ? La confiance que mérite l’intervention de l’Etat, n’en avons-nous donc pas, en France, fait une expérience suffisante avec le Panama ? Où trouver un exemple plus topique des dangers de l’ingérence de l’Etat dans les affaires de Bourse ? Les hommes en place, ministres ou parlementaires, auraient tous été probes, que l’immixtion du gouvernement en cette affaire n’en fût pas moins restée compromettante pour lui et dangereuse pour le public. Avant d’autoriser l’émission d’obligations à lots, l’Etat s’était cru obligé de faire faire une enquête sommaire, de faire rédiger un rapport par un ingénieur à lui ; et le seul résultat de cette enquête était de faire peser sur le gouvernement une apparence de responsabilité et d’entretenir chez le public des espérances illusoires. Mais cela, nous le savons assez, n’a été que le moindre inconvénient de cette ingérence du gouvernement dans les affaires de la Compagnie. Ceux qui se flattent de moraliser les affaires et de purifier les émissions en astreignant les sociétés à une